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façon en est plus tranchante, le ton plus impérieux que celui des coups d’état berlinois. La Prusse a risqué le sien par voie détournée, quand elle a rappelé les diètes provinciales. Ces diètes sont maintenant assemblées ; elles sont composées de membres élus par des minorités dérisoires. Les électeurs en masse protesté à la mode allemande, si nous avons encore le droit de la nommer ainsi, maintenant que nos radicaux l’ont empruntée à l’Allemagne : la majorité n’est point allée aux élections, elle s’est abstenue ; mais, dans ces diètes ainsi ressuscitées par une fiction arbitraire, on soutient à présent que la charte, qui veut un parlement véritable, n’a pas néanmoins cessé d’exister ; on se vante d’aimer le régime représentatif à la condition de le bien entendre, et M. de Gerlach lui-même et la Gazette de la Croix ne sont pas fâchés de revendiquer au profit de la Prusse une certaine supériorité de puissance constitutionnelle qui la relève à ce point de vue-là par-dessus l’Autriche. Il y a là plus d’un trait curieux pour l’étude comparée des deux politiques. Le roi Frédéric-Guillaume, en convoquant les diètes de son chef, s’est, au fond, arrogé le pouvoir législatif à lui seul aussi pleinement que l’empereur François-Joseph en interprétant à sa guise, dans les lettres du 20 août, le principe de la responsabilité des ministres ; mais, tandis que la restauration prussienne s’opérait par de simples circulaires ministérielles, et proclamait toujours soit pour la charte du 31 janvier, qu’elle minait en dessous, on inscrivait le nom de l’empereur au bas des ordonnances autrichiennes, et l’on y déclarait, sans tergiverser, que la charte dit 4 mars était mise à néant. Aussi voyez ce qui arrive, et admirez cette nouvelle péripétie des habiletés prussiennes : L’Autriche, en reprenant les gages qu’elle avait donnés dans ces derniers temps à l’esprit constitutionnel, n’a pas dû supposer qu’elle recueillerait pour récompense les applaudissemens de l’Allemagne libérale. Les feuilles de Vienne se sont vainement efforcées de démonter qu’on ne pensait point à revenir aux anciens abus ; le prince de Schwarzenberg à lui-même enjoint par une circulaire spéciale à ses agens diplomatiques de représenter aux gouvernemens étrangers que l’on garderait tout ce qu’il y avait à garder dans les réformes accomplies, et qu’il n’y avait point sous jeu quelques velléité de pur despotisme. L’opinion allemande n’en a pas moins été très émue, et les ordonnances ont produit non-seulement à Vienne et dans la partie germanique de l’empire, mais à Munich, à Dresde, à Stuttgart, fine sensation très douloureuse. La Prusse ne serait pas éloignée d’exploiter à son bénéfice, le tort qu’a pu se faire ainsi la cause autrichienne. Elle userait volontiers de la situation équivoque qu’elle s’est réservée, par rapport à sa propre constitution, pour persuader encore à l’Allemagne qu’elle est le seul refuge du régime constitutionnel. Les organes des différens partis prussiens ne cachent, pas la joie que leur inspire ce revirement décisif du cabinet de Vienne ; ils insistent avec malignité sur les lois immuables auxquelles l’Autriche est asservie tant qu’elle sera l’Autriche ; ils prouvent qu’elle devait retourner à l’absolutisme parce qu’elle n’est pas, comme la Prusse, le pays de l’intelligence. Les plus entêtés fanatiques du droit divin en sont à complimenter la Prusse d’avoir une constitution. Ils déclarent, et ils ont quelque droit de se porter garans, que cette constitution ne sera point abolie et qu’elle est, à leur sens, presque parfaite et complète. Il est certain qu’en la complétant encore avec