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la proie de la grande république. Les états méridionaux de l’Union, qui ont des esclaves, qui en font pour ainsi dire l’élève, qui ne savent où les placer, ambitionnent le débouché que leur offrirait un pays de luxe et d’exploitation comme Cuba. Les Américains ont donc inventé que cette belle colonie ne soupirait plus qu’après sa délivrance, et qu’elle voulait absolument s’affranchir du joug odieux de la métropole. Ils ont proclamé leurs sympathies pour son affranchissement, le premier pas dans les histoires déjà si nombreuses des annexions. Voici long-temps que les sympathiseurs travaillent ; ils n’ont encore réussi qu’à solder deux expéditions, infructueuses, commandées par l’aventurier Lopez. C’est qu’à part les griefs que les Havanais nourrissent contre les hauts employés que la métropole leur expédie pour faire chez eux des fortunes trop rapides et trop grosse, Cuba n’avait aucune envie d’abandonner le pavillon espagnol, encore moins de passer sous le pavillon étoilé. Ni les créoles, ni les nègres libres ou esclaves n’avaient à gagner au patronage américain : le vieux sang de la race castillane se révolte contre les rudes ambitions de la race anglo-saxonne ; les esclaves ne trouveraient point une condition plus douce sous le régime des pays anti-abolitionistes, et les affranchis y trouveraient des affronts trop certains. Toutes ces rasions expliquent assez l’abandon au milieu duquel a deux fois succombé Lopez. Une exécution terrible, mais nécessaire et justifiée par toutes les règles du droit des gens, a tristement terminé ce dernier exploit de piraterie, dont les auteurs avaient été mis d’avance hors la loi par le gouvernement fédéral de l’Union. Les Américains du sud se remuent beaucoup, et déclarent que le sang de leurs frères crie vengeance ; pendant que la populace fait du tapage, les politiques cherchent des cas de guerre plus honorables ; il est possible qu’à toute force ils les découvrent, car ils ont pour les inspirer la vraie maxime des Yankees : aux Américains, l’Amérique ! mais l’Espagne prépare une vigoureuse défense, et l’Europe ne la laisserait pas seule à protéger la liberté de la mer des Antilles.

Les mouvemens révolutionnaires dont nous avons déjà parlé n’ont pas encore cessé d’agiter la Chine. Les troubles du Kwang-si paraissent même avoir pris un nouveau développement. Un des chefs de l’insurrection s’est arrogé le titre de souverain ; il date son règne de la première année de la vertu céleste, Tien-teh ; il fait frapper de la monnaie de cuivre, et il adresse un appel à tous les hommes capables du pays pour les inviter à venir recevoir de ses mains les emplois publics. Ce moyen de séduction, qui n’est pas exclusivement chinois, s’avoue du moins, comme on le voit, plus hautement en Chine qu’ailleurs. On ignore encore si le rebelle ainsi parvenu aura réussi à imposer son autorité aux autres chefs de bandes qui avaient déjà pris le titre de rois (wangs). Peut-être aura-t-il rangé sous son pouvoir non-seulement les insurgés du Kwang-si, mais aussi ceux du Hou-nan et du Kwang-toung. Quoi qu’il en soit, on sait positivement par la gazette de Pe-king que tous les efforts de l’empereur pour qui exterminer ces bandits ont été jusqu’ici infructueux. ; Le cabinet impérial semble sérieusement alarmé. Un grand nombre de décrets ont été promulgués du 30 avril au 5 mai. Sept de ces décrets ont rapport à l’affaire des rebelles. Le premier proclame avec satisfaction deux avantages partiels obtenus dans le Kwang-si par les troupes impériales. Trois mille huit