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monde connaît la beauté des mantes de Valence et des laines de Ségovie, la richesse des mantilles de Malaga et des éventails d’Andalousie. Il fallait bien que le bois habilement travaillé eût aussi sa place dans l’exposition d’Espagne ; M. Perez de Barcelone s’est chargé de soutenir la vieille réputation de son pays, et il a envoyé une table en mosaïque de bois composée de trois millions de petits morceaux : c’est une merveille de patience et de finesse. Quand l’Espagnol a prié Dieu, vu sa maîtresse et applaudi le Chiclanéro, que lui manque-t-il ? Un cigare. La Havane a complété l’exposition de la mère-patrie en y ajoutant deux vitrines remplies des regalia les plus blonds et des panatelas les plus effilés qui aient jamais tenté un malheureux condamné à la régie de France. En somme, l’exposition péninsulaire est très intéressante. Je me trouvais, il y a cinq ans, à Madrid, lorsque l’Espagne ouvrit pour la première fois, je crois, un musée aux produits de son industrie. J’oserais affirmer, si j’avais quelque autorité en ces matières, que, depuis cette époque, le progrès est immense. Tout le monde doit se réjouir, de voir prospérer cette nation loyale, qui donne à toute l’Europe, depuis trois ans, des leçons de bon sens et de fierté.

La Belgique a été long-temps espagnole, et il lui en reste quelque chose. Quoique plus rapprochée de l’Angleterre par ses goûts, ses mœurs, son climat et son industrie considérable, elle a gardé certaines tendances artistiques d’une nature différente en quelque sorte, et dont il serait très injuste de ne pas tenir compte. Sa statuaire, par exemple, bien qu’elle ne justifie peut-être pas complètement les prétentions des connaisseurs de Bruxelles, est loin d’être à dédaigner ; mais ce n’est point mon affaire de parler des arts ici ni de leur application à l’industrie : je sais qu’une plume plus ferme et plus autorisée doit traiter cet important sujet pour les lecteurs de la Revue ; j’ai voulu toucher seulement à la sculpture sur bois, dont les Belges ont exposé de nombreux morceaux, parce que j’ai cru y retrouver l’influence espagnole. Elle s’y fait sentir, ce me semble, dans l’exécution qui est un peu lourde, dans le dessin qui est un peu tourmenté, et dans le choix des sujets qui sont presque tous religieux. Tout cela certainement n’est pas sans mérite, quoiqu’il soit permis de dire que les Espagnols faisaient beaucoup mieux autrefois, et que les Français peuvent en apprendre très long sur ce point à leurs excellens voisins. Il est vrai que nous pourrions, dit-on, recevoir à notre tour, en matière de tissus de fil, de draps et de flanelles, des leçons de bon marché. À chacun son œuvre.

L’Autriche, à Londres, coudoie la Belgique, et, si nous tournons le dos à Anvers, nous apercevons la Bohême et ses cristaux. Il peut bien y en avoir un arpent, et c’est un affreux spectacle. J’aime Vienne tendrement, comme on doit aimer un pays où l’on a passé d’heureux