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bête, étonnera des gens de beaucoup d’esprit et de savoir à force de tact, d’à-propos et d’adresse. L’exagération de cette qualité, c’est le charlatanisme, et, convenons-en, le pays du charlatanisme, c’est la France. On le rencontre sans peine dans notre exposition. Il y a même beaucoup de succès, cela est triste à dire ; mais la foule paraît avoir quelque peine à distinguer le vrai du faux, tant le faux dans nos produits se masque adroitement. Au-dessous des galeries de Lyon et d’Alsace, en face des beaux meubles de l’association ouvrière, meubles auxquels rien ne manque, sinon une certaine unité, un certain parti pris qui révèle une pensée unique, une direction supérieure, on voit une cité de pendules à troubadours, de bijoux de chrysocale, de bronzes prétendus artistiques, de nouveautés de mauvais goût dont le jury d’admission aurait dû faire justice. Je sais bien que cela réussit en Angleterre ; mais de ce que les étrangers s’efforcent d’imiter nos chefs-d’œuvre, s’ensuit-il que nous devions faire des concessions à leur goût ? C’eût été le devoir de la France de ne rien exposer que de parfait. La liste est longue des produits français d’une beauté inimitable. Il y a place pour toutes les branches de l’industrie nationale entre les fleurs artificielles de M. Constantin, les bijoux de M. Lemonnier, les armes de Paris, les draps d’Elbeuf, les porcelaines de Sèvres et les machines de MM. Cavé ou Derosne et Cail.

Je veux hasarder encore une dernière critique. Nous avons, pour maintenir le bon ordre dans notre exposition, des surveillans français ; rien de mieux. Pourquoi seulement a-t-on coiffé ces braves gens d’un chapeau militaire qu’ils portent en colonne d’un air guerrier, comme des officiers d’état-major ? A quoi bon faire montre dans ce congrès pacifique de cette manie guerrière qui nous possède ? Tout le monde sait que nous avons d’incomparables soldats, l’Europe l’a appris à ses dépens, elle n’a garde de l’oublier, et s’il est une nation qui puisse se dispenser de ces affectations à la prussienne, c’est la nôtre assurément. Les policemen ont un costume plus simple et une allure plus convenable. Ce qu’il faudrait apprendre en Angleterre, c’est comment on doit estimer et respecter ces agens de l’autorité. J’ai été témoin, au Palais de Cristal, d’un petit fait qui a une grande signification. Un jour, comme je cherchais, en sortant, à traverser sans encombre la file innombrable des voitures qui se croisaient devant la porte, j’aperçus une jeune femme donnant le bras à un élégant gentleman qui voulait tenter aussi ce difficile passage. Le gentleman ne paraissait pas un pilote très habile. La jeune femme appela un policeman, prit son bras sans hésiter, traversa heureusement les voitures. Une fois de l’autre côté, l’homme de la police salua poliment, et revint à son poste. — Ah ! pensai-je, quand à Paris on en agira de même avec les sergens de ville, nous serons bien près d’être sages. — Ces réserves