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faites, et elles sont, comme on le voit, presque puériles, il faut rendre justice à notre pays. Quel est le rang de la France à l’exposition ? quelle place est la nôtre ? demande-t-on de tous côtés. La réponse varie. Moi, je le dis hardiment, la place de la France, c’est la première. Seulement il faut tenir compte de nos précédentes observations et se bien expliquer. La France, dont on veut faire le foyer de la démocratie universelle, la France, je le répète, est éminemment aristocratique par son industrie. Elle ne sait faire, elle ne peut faire que de belles choses. Elle ne travaille que pour les riches ; son industrie touche à l’art ; ses plus humbles ouvriers sont des artistes. Tout ce qui est superflu, tout ce qui approche de la fantaisie, elle le fabrique avec un goût sans égal. Si elle touche aux choses nécessaires, elle les ennoblit aussitôt, elle les perfectionne, elle les fait mieux, mais aussi plus chèrement que qui que ce soit. L’ustensile le plus usuel, elle le métamorphose ; d’une assiette, par exemple, ou même d’une machine à vapeur, elle fait un objet d’art. Nous visons en tout à la perfection, nous avons le génie de l’élégance et l’amour du beau. Ce pays de république démocratique s’inquiète peu des produits communs, mais il couvre le monde de ses œuvres d’une richesse incomparable. L’aristocratique Angleterre fait tout le contraire. Ai-je tort d’insister sur cette étrange anomalie ? Elle travaille pour les basses classes ; elle les loge, les habille, les meuble et les nourrit à plus bas prix ; elle a pour elle la patience et le goût du travail opiniâtre ; elle se procure en outre à beaucoup meilleur compte le fer et le charbon, ces deux principaux élémens de l’industrie vulgaire, sans parler du transport. Elle nous vaincra toujours sur ce terrain ; nous la battrons toujours sur le nôtre. Gardons notre part, elle n’est pas la plus mauvaise, car le temps viendra peut-être où un autre pays, l’Amérique par exemple, perfectionnant ses machines, suivra la route de l’Angleterre et l’atteindra, tandis que, jusqu’à ce que le ciel ait donné notre esprit à une autre nation, nul ne nous ravira notre supériorité. Tant qu’il y aura des gens riches sur la terre pour acheter nos soieries, nos velours, nos porcelaines, nos tapis, nos bronzes, nos tableaux, nos statues, qu’on ne s’inquiète pas de la prospérité de notre commerce. Il a le monopole des belles choses. Peu importe même qu’il les fasse payer cher, on les demandera toujours. Que les robes de velours coûtent 350 francs au lieu de 300, pensez-vous qu’il s’en vendra une de moins ? Croyez-vous que le marquis de Westminster marchandera long-temps pour obtenir le dressoir de M. Fourdinois au prix de 35,000 francs au lieu de 40,000 ? S’il est une chose qui doive étonner, c’est que le socialisme ait atteint les ouvriers qui fabriquent ces merveilles. Quel est donc leur aveuglement ! Ne voient-ils pas que le jour où leur rêve se réaliserait et où disparaîtraient du globe avec les grandes fortunes la possibilité du