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est vrai que Constantius avait près de l’empereur régnant un avocat infatigable et puissant en la personne de sa femme, Placidie, qui, mariée contre son gré à un homme qu’elle n’aimait pas, cherchait un dédommagement dans l’ambition. D’abord, elle n’eut pas de cesse que son fils Valentinien, né en cette même année 419, ne reçût le titre de nobilissime, qui constituait une sorte de droit héréditaire à l’empire, puis il lui fallut pour elle-même la qualité d’augusta, pour son mari celle d’empereur. Honorius, qui n’avait point eu d’enfans de ses deux femmes, mortes vierges toutes les deux, et qui se souciait peu néanmoins que l’on disposât de sa succession de son vivant, résista d’abord aux sollicitations, et n’y céda qu’en 421 de fort mauvaise grace, disent les historiens ; mais l’empereur d’Orient, Théodose II, qui nourrissait aussi des prétentions sur l’héritage de son oncle Honorius, comme issu du fils aîné du grand Théodose, tint bon contre toutes les demandes, et les repoussa même avec hauteur. Or, d’après la constitution de Rome impériale, qui avait pour principe l’unité de l’empire sous plusieurs princes, augustes ou césars, et la communauté entre tous des grandes mesures politiques et des lois, aucune promotion nouvelle au pouvoir souverain ne pouvait avoir lieu que du consentement de tous les empereurs régnans : c’est ce qu’on appelait l’unanimité. L’intrus à qui cette unanimité manquait n’était aux yeux de la loi qu’un usurpateur, un tyran, ou bien un empereur de parade, simple lieutenant de l’auguste qui l’avait choisi. Le premier acte d’un prétendant était d’envoyer à ses futurs collègues son portrait entouré d’une branche de laurier ; l’admission gracieuse ou le refus de cet envoi constituait pour lui-même une déclaration solennelle d’adoption ou de rejet. Lors donc qu’Honorius, vaincu par les obsessions de Placidie, eut agrafé le manteau de pourpre sur les épaules de son beau-frère, celui-ci envoya, suivant le cérémonial consacré, son portrait à la cour de Constantinople ; mais Théodose refusa de le recevoir, et fit chasser les ambassadeurs qui l’apportaient. C’était la première déconvenue qu’éprouvait cet homme gâté par la fortune, et ce fut aussi la dernière, car il n’y sut pas résister. Il s’emporta, il menaça Théodose, il fit de grands armemens contre lui ; mais, au milieu de ses colères, le chagrin de son humiliation le rongeait. Il prit en dégoût une autorité dont il ne possédait que l’ombre, un rang dont il n’avait que les gênes, et se mit à regretter, dit un contemporain, l’indépendance de sa vie passée, le laisser-aller de ses habitudes un peu vulgaires, les repas du soir avec ses amis, la gaieté bruyante, et les mimes aux jeux desquels il se mêlait parfois ; en un mot, le jovial compagnon, devenu mélancolique et morose, s’éteignit tristement à Ravenne, le 2 septembre 421, après six mois d’un règne nominal. La tête pleine de sombres pressentimens, il avait cru entendre en rêve une voix qui lui criait : « Le sixième s’en