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pour m’empescher d’y aller seront vains, M. de Longueville estant très disposé à le vouloir ; mais je vous prie de ne le pas publier, parce que mes ennemis redoubleroient leurs bateries. Au reste, on ne parle à Paris que des festes qui se préparent pour les nopces que Sarasin[1] est allé mesnager entre M. le prince de Conty[2] et les niepces ; je m’aperçois que je les nomme au pluriel en un endroit où le singulier seroit plus propre, mais c’est qu’on dit que le marié ne scauroit en avoir trop de cette race. Je prie Dieu (pour faire le bien contre le mal) qu’il en ait contentement. Adieu, mandez-moy des nouvelles de la santé de M. mon frère de laquelle je suis très en peine, et faittes mes très humbles baise-mains à Mme ma belle sœur et à mon nepveu et mes recommandations à toute leur cour.

Je ne suis pas dans un sy grand désert que vous pensés, car j’ay eu ici M. de Richelieu[3] et Mlle de Vertus[4]. Cette dernière a fait la paix de Marigny[5] avec moy. Il a esté ici. »

Mme de Longueville aurait bien désiré pour le lieu de sa retraite le couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques ; mais on ne pouvait la laisser si vite rentrer dans Paris, et elle n’obtint que la permission d’aller passer quelque temps à Moulins, auprès de sa tante, veuve du duc de Montmorency décapité à Toulouse, par ordre de Richelieu, pour s’être révolté contre l’autorité royale. Après cette perte effroyable, Mme de Montmorency s’était retirée dans le couvent des filles le Sainte-Marie, à Moulins ; elle y avait pris l’habit de religieuse, et elle en était alors supérieure. Pour entretenir sa douleur, elle avait fait construire un monument funèbre, orné de statues de grandeur naturelle, parmi lesquelles était celle de son mari. Mme de Longueville assista à l’inauguration de ce monument[6]. Elle vivait dans le couvent, soumise au même régime que les religieuses ; mais on a beau briser

  1. Secrétaire du prince de Conti, dont on a des vers, des lettres et divers petits ouvrages publiés par Ménage en 1656, in-4o. Sur Sarasin, voyez Retz, t. II, p. 247 ; t. III, p. 198, et aussi Tallemant, t. IV, p. 173.
  2. Le prince de Conti en effet ne se borna pas à traiter avec Mazarin ; il épousa une de ses nièces, la belle et vertueuse Anne-Marie Martinozzi, morte à trente-cinq ans.
  3. Neveu du cardinal, fils de la duchesse d’Aiguillon, qui avait épousé Mme de Pons, sœur de Mlle du Vigean.
  4. Une des filles du comte de Vertus, de la maison de Bretagne, sœur puînée de Mme de Montbazon, amie intime de Mme de Longueville, qu’elle suivit à Moulins auprès de Mme de Montmorency, et plus tard aux Carmélites et à Port-Royal.
  5. Il est probable qu’il s’agit de Marigny, bel esprit, ami de Sarasin, qui, à Bordeaux, s’était tourné contre Mme de Longueville. Sur Marigny, voyez Tallemant, t. IV, p. 256, et Retz, t. Ier, p. 188, t. II, p. 16, t. III, p. 198.
  6. On le voit encore à Moulins. Il a beaucoup d’analogie, par son caractère de noblesse et d’élévation un peu froide, avec le tombeau de Richelieu, de la main de Girardon, qui est à la Sorbonne. — Voyez la Vie de Mme la duchesse de Montmorency, supérieure de la Visitation de Sainte-Marie de Moulins ; Paris, 1684, in-8o.