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ont été plus près de la réalité qu’on ne l’imagine. Ce que je puis affirmer, c’est que beaucoup de gens regrettent ce temps-là.

— Allons !… Espérons que Vasiliky…

Pour le coup, je n’y tins plus, et j’interrompis le commandant

— Pardon, commandant ; mais, au nom du ciel, que veut donc dire, je vous prie, ce mot Vasiliky que j’entends prononcer partout où je vais ?

— Partout où vous allez ? répéta le commandant ; je crois que notre aspirant, dort encore ! Et où avez-vous déjà entendu ce nom ?

— A Naxos, commandant, dans l’auberge du Maltais.

À peine avais-je prononcé ces mots de Naxos et d’auberge, que je fus assailli de questions. Je racontai bravement mon aventure, sans rien omettre, pas même mes sottises. Cette révélation fit l’effet de la foudre sur le vieux Démétrius, qui m’avait écouté les yeux fixes, la bouche ouverte, tout le corps suspendu à mes paroles. Quand je cessai de parler, il tomba de son haut sans mouvement. À l’appel du moine, les serviteurs accoururent avec de grands cris, et transportèrent leur maître hors de la salle. Le moine les suivit pour donner les premiers soins au malade, et nous restâmes seuls.

— Je vous avais bien dit, reprit le consul, que vous les auriez peut-être sous la main sans vous en douter.

— Eh ! malheureux enfant, s’écria le commandant, pourquoi ne m’avez-vous pas parlé de cela ? Vasiliky est le nom de la fille de Démétrius, c’est Vasiliky que nous cherchons.

Je fus atterré ; toutefois je fis observer qu’à l’époque du départ de la Fleur de Lis d’Ourlac pour Naxos, il n’était nullement question de cette histoire dans l’escadre, et que, durant notre séjour dans l’île, personne à bord n’avait eu vent de l’enlèvement de Vasiliky. J’étais donc excusable de n’avoir pas compris la démarche de la jeune fille, qui, en m’apprenant son nom, faisait appel à la protection de la France ; à moins d’être sorcier, il était impossible, en effet, de découvrir le sens caché sous la pantomime de la jeune Grecque. Le commandant observa en riant que j’avais raison, et avoua qu’à mon âge il n’aurait pas été plus fin que moi. Il ne s’agissait plus que de savoir si nous retrouverions Vasiliky. Après ma révélation, qui complétait si bien le récit du moine, rien ne nous retenait plus dans la maison de Démétrius ; il nous fallut cependant manger des gâteaux et boire du vin de Samos, puis nous retournâmes à la ville, et le soir nous regagnâmes le bord.


III. – MONDON. – LE CAMP D’IBRAHIM-PACHA.

Le lendemain, la Fleur de Lis appareilla de Tchesmé pour fouiller l’Archipel. Le commandant mouilla d’abord à Naxos. La masure du Maltais était abandonnée. Les Grecs et les Latins consultés affirmèrent