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le cardinal de Noailles, de Vintimille, Christophe de Beaumont et Leclerc de Juigné, firent oublier par de grandes vertus et une charité digne des premiers temps les scandales qu’avaient causés Paul de Gondi et Henri de Chanvallon. Le jansénisme et la philosophie leur causèrent souvent de graves embarras, et deux d’entre eux, le cardinal de Noailles et Christophe de Beaumont, se montrèrent aussi intolérans dans leur foi que les philosophes dans leur incrédulité ; mais du moins, dans les causes qu’ils soutinrent chacun à son point de vue, ils suivirent avec une grande droiture les inspirations de leur conscience, ils eurent, même en se trompant, l’inflexibilité des convictions, et leurs adversaires les traitèrent avec respect. Leur lutte contre les encyclopédistes et les philosophes offrit cela de particulier, qu’au lieu de condamner purement et simplement, comme avaient fait leurs prédécesseurs, les livres qui leur paraissaient dangereux, ils les discutèrent en essayant de les réfuter, et cette périlleuse épreuve tourna presque toujours contre eux. Que pouvaient d’ailleurs les convictions obstinées et les vertus de quelques hommes en présence de l’irrésistible mouvement des esprits ? L’église et la royauté devaient s’abîmer dans le même naufrage. Le successeur de Germain, de Landry, de Pierre Lombard, l’Alsacien Gobel, vint, le 7 novembre 1793, avec treize de ses collègues, déclarer à la barre de la convention qu’il ne reconnaissait « d’autre culte que celui de la liberté et de la sainte égalité. » Le président le félicita de sacrifier les hochets gothiques de la superstition et d’abjurer l’erreur. Gobel déposa sa croix, son anneau, s’affubla du bonnet rouge, et, quelques mois après, il mourait sur l’échafaud avec Chaumette et le comédien Grammont.

On le voit, pendant l’espace de seize siècles l’épiscopat parisien a traversé bien des vicissitudes. À part un très petit nombre d’hommes qui oublièrent les devoirs et la dignité de leur mission, on peut dire que la science, les vertus, les lumières politiques, furent héréditaires dans cette longue dynastie sacerdotale, dont le rôle a été, ce nous semble, trop peu apprécié par l’histoire. En touchant à notre temps même, un fait nous a frappé : c’est l’analogie que présente la vie des archevêques contemporains avec celle des prélats de la primitive église. Il y a là comme une renaissance du christianisme des premiers âges, et la chaîne des grandes traditions semble se renouer par MM. de Quelen et Affre. Si M. de Quélen, en se mêlant à la politique active, se laissa quelquefois entraîner par son zèle et méconnut l’esprit de son temps, comme prêtre il donna toujours l’exemple du plus noble dévouement : en 1814, dans les hôpitaux de Paris encombrés de blessés et ravagés par le typhus ; en 1831, dans ces mènes hôpitaux désolés par le choléra, il fut alors, comme l’évêque Germain chanté par Chilpéric, le pasteur et le médecin, et l’Œuvre des Orphelins, dont