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REVUE LITTERAIRE.
PUBLICATIONS BELGES.

On connaît assez mal en France et on ne suit point avec toute l’attention qu’ils méritent les travaux qui chaque année, en Belgique, viennent accuser de plus en plus, dans le domaine des études historiques, une tendance énergiquement nationale. La Belgique s’est constituée en nation il y a vingt ans à peine ; devenue, par un triste privilège, le foyer d’une industrie qui la livre fatalement aux influences étrangères, elle n’en fait pas moins, en dépit d’entraves et d’obstacles multipliés, de louables efforts pour conquérir sur le terrain des lettres et des sciences la même place que sur le terrain des intérêts matériels et politiques. C’est là une rude tâche pour les écrivains belges ; mais d’intéressans travaux sont venus prouver qu’ils sauraient l’accepter et la remplir dans toute son étendue, si le gouvernement de la Belgique savait de son côté seconder leurs efforts en les affranchissant par une honorable initiative de la pression des littératures voisines.

Deux ouvrages se signalent particulièrement à notre attention parmi ceux qui ont récemment paru en Belgique : l’Histoire du Congrès national de Belgique, par M. Théodore Juste[1], et l’Histoire du Droit des Gens, par M. F. Laurent[2]. L’Histoire du Congrès de Belgique nous retrace un des épisodes les plus curieux de l’époque contemporaine. Dans un siècle où tout tend au rapprochement des peuples, à la communauté des idées, au rapport plus étroit et plus fréquent des intérêts, on voit tout à coup un royaume se couper en deux états par le simple effet d’un déchirement intérieur. Et, chose plus étrange, à une époque où les croyances pèsent chaque jour d’un moindre poids dans les affaires humaines, en un moment où la foi et la liberté sont partout ailleurs en hostilité sourde ou flagrante, ici le principal mobile de la séparation est une cause essentiellement religieuse, et dans le combat qui sur ce motif s’engage pour l’indépendance éclate l’alliance patriotique du sentiment libéral et du sentiment chrétien.

Ainsi s’ouvre la révolution belge. À des débuts heureux d’heureuses suites succéderont-elles ? Par quelle sagesse ferme et conciliante la Belgique est-elle parvenue à conjurer les orages qui grondaient autour de son berceau ? C’est ce que va nous apprendre M. Théodore Juste en retraçant l’Histoire du Congrès national, qui, avec un tact bien rare parmi les assemblées, sut fonder dans la paix un état nouveau, et l’établir sur les bases saintes de la justice et de la liberté, de la tradition respectée et du progrès reconnu.

Trois grands services résument l’œuvre du congrès belge : la reconstitution de la nationalité belge, l’avènement d’une dynastie gardienne de l’indépendance reconquise, l’établissement d’une monarchie démocratique sans précédent en Europe. Les puissances du Nord redoutaient dans l’indépendance belge la rupture de traités qui leur étaient favorables, l’envahissement de l’esprit de révolution qui gagnait d’un pas vers eux ; l’Angleterre craignait surtout l’agrandissement de la France et la diminution de son propre commerce. Le roi Louis-Philippe

  1. 2 vol. in-8o, Bruxelles, chez Aug. Decq.
  2. 3 vol. in-8o, Gand, chez Hebbelynck et chez Merry.