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stade encore visibles à Athènes, et il releva l’Odéon de Périclès. Un autre théâtre à Corinthe, un stade à Delphes, des bains aux Thermophyles, attestèrent encore avec éclat son intelligente magnificence. De tels hommes retiennent les temps sur la pente qui les entraîne. Adrien partagea cet honneur avec Hérode Atticus ; sa passion pour l’art, qui s’égara parfois en constructions d’un goût et d’une utilité contestables sut être judicieuse et vraiment féconde quand elle ajouta une nouvelle Athènes à celle de Thésée, et quand elle termina ce temple superbe de Jupiter olympien, commencé depuis Pisistrate. Dans les siècles les ravages se multiplièrent ; mais le respect de l’antique ne périt jamais, même dans les plus mauvais jours. Il reparaissait de temps en temps, et jetait quelques étincelles, comme un feu mal éteint. On voyait, après Constantin, des artistes aller copier le Jupiter de Phidias à Olympie, où il était encore. IL y avait à Rome un inspecteur préposé à la conservation des belles choses, centurio nitentium rerum. Théodose-le-Grand et Honorius ordonnèrent par des lois expresses que les temples païens fussent respectés. Enfin, en 395, lorsque Alaric ravagea la Grèce avec les Goths, la tradition raconte que Minerve et Achille, apparaissant sur l’Acropole en éloignèrent l’ennemi. Si ce conte d’enfant signifie quelque chose, c’est qu’alors sans doute le prestige de leur renommée protégea et sauva une fois de plus les chefs-d’œuvre de l’architecture grecque.

À cette époque, ces monumens avaient huit cents ans d’existence. Ce n’était pas la moitié du temps qu’ils devaient traverser presque intacts, les uns oubliés dans les solitudes du Péloponèse ou d’Égine, les autres transformés en églises et consacrés au culte chrétien. L’an 1455, ils passèrent avec le sol qui les porte sous la domination turque, et depuis lors, dans l’espace de quatre cents ans à peine, ils ont eu à souffrir tout ce que la barbarie des siècles précéderas leur avait épargné de désastres. Est-ce donc que les musulmans fussent un peuple de dévastateurs ? Non ; ils ont au contraire pour les édifices, quels qu’ils soient, une sorte de vénération superstitieuse. À part quelques profanations isolées, leur conduite à l’égard des vaincus n’a jamais fait voir en eux l’instinct ou l’habitude de la destruction. Quand ils entrèrent à Constantinople, un soldat brisait les autels de Sainte-Sophie : Mahomet à le frappa de son yatagan. Là, comme à Athènes trois ans après, il défendit avec toute l’autorité d’un maître absolu que rien fût renversé. Le dommage qu’a subi l’art grec dans les temps modernes a donc une autre cause. Je la trouve dans une opinion très répandue et très enracinée en dépit des récens progrès de l’empire ottoman, c’est que les Turcs sont campés en Europe, selon le mot d’un écrivain célèbre. Cette pensée a produit successivement les entreprises des Vénitiens, les tentatives apparentes ou cachées de la Russie cet les efforts