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qui se cachent au sein de la terre pour y fondre des canons. Ce ne peut donc être que l’homme assez acharné à la lutte pour aller arracher le salpêtre aux sépultures des églises.

Il n’y avait rien à répondre à cette observation. N’était-ce pas la seule manière d’expliquer la disparition subite de don Ramon Rayon et de sa troupe ? Les deux visiteurs furent bientôt entourés d’insurgés qui s’élancèrent vers eux. — Conduisez-nous devant don Ramon, dit Tapia.

— Nous ne connaissons pas don Ramon ! s’écria l’un des travailleurs.

— Et vous ne connaissez pas non plus,.à ce que je vois, Andrès le chercheur de traces pour espérer lui faire prendre le change. Don Ramon Rayon est ici, et je lui apporte un message du général don Ignacio, répondit le rastreador sans s’émouvoir du piége qu’on lui tendait.

Un officier traversait en ce moment le cercle de lumière que projetaient les forges, et le chercheur de traces s’écria :

— Seigneur don Ramon, le messager de votre frère se réclame du votre seigneurie.

— Qui êtes-vous, l’ami, qui semblez me connaître et que je ne connais pas ? Répliqua l’officier.

Un homme qui saurait distinguer entre deux frères une ressemblance plus vague encore que la vôtre et la sienne, repartit Andrès en souriant, et de la fidélité duquel vous ne douterez plus lorsque je vous aurai fait connaître ma mission par un mot que vous devez seul entendre.

Le chercheur de traces se pencha vers l’oreille de l’officier et murmura quelques mots que personne n’entendit, mais qui lui causèrent une pénible émotion.

— C’est bien, dit-il laconiquement, cet homme est des nôtres.

Bien que Berrendo connût parfaitement don Ignacio, il s’avoua qu’il n’aurait jamais reconnu don Ramon à sa ressemblance avec son frère, et cette circonstance lui donna meilleure opinion encore de la sagacité d’Andrès.

Une fois admis comme messagers du général Rayon, les deux aventuriers avaient été mis au courant des événemens qui avaient motivé la disparition subite de don Ramon. Un mois avant cette date, la caverne de Pucuaro n’était habitée que par les hôtes qui font leur séjour des ténèbres. Le hasard avait conduit vers cette retraite un des hommes du commandant don Ramon Rayon, et, comme Berrendo, cet homme avait reculé devant les bruits effrayans qu’y faisaient entendre des bêtes immondes ou féroces. Don Ramon avait jugé tout d’abord, quand il apprit cette découverte, de quel avantage serait pour lui la possession de cette caverne où le salpêtre qu’il cherchait devait abonder, et il avait pris les mesures nécessaires pour en rendre les issues praticables. Il y