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une volonté, une impulsion, voilà ce que Mirabeau cherchait dans le roi, auprès du roi, ce qu’il ne trouvait pas ; alors il offrait la sienne ; mais, comme on ne voulait point l’accepter telle qu’il voulait la donner, il se décourageait ou il menaçait. « Ce que je ne vois pas encore, dit-il[1], c’est une volonté, et je répète que je demande à aller la déterminer, c’est-à-dire démontrer que hors de là, aujourd’hui même, il n’y a pas de salut ; et si, je ne sais par quelle fatalité, on n’en convient pas, je suis réduit à déclarer loyalement que, la société étant pour moi arrivée au terrible sauve qui peut, il faut que je pense à des combinaisons particulières, au moment où l’on rendra inutile le dévouement que je suis prêt à manifester hautement et tout entier. »

Ce n’est pas seulement Mirabeau qui se plaint de l’inertie et de la torpeur du roi en face, du danger, chaque jour plus grand. M. de La Marck s’en plaint de même pendant la vie de Mirabeau et après la mort de Mirabeau, et cet esprit juste et élevé, cette ame honnête et ferme voit le mal où le voit Mirabeau, dans l’indécision du roi et dans sa mollesse ou sa répugnance à suivre jusqu’au bout les conseils de la reine. Voici ce qu’il écrit le 28 octobre 1790 à M. de Mercy-Argenteau, long-temps ambassadeur d’Autriche à Paris, un véritable ami de la reine et qui à ce moment était à Bruxelles : « Quelque juste influence que la reine ait sur l’esprit du roi, il est clair que cette influence est insuffisante dans la plupart des opérations du gouvernement… Les inconvéniens d’un tel état de choses sont évidens dans la situation actuelle, car ce sera toujours en vain que la reine demandera des conseils et les apprécier avec toute la justesse de son esprit ; ils ne pourront avoir aucun bon effet, aussi long-temps que la reine ne possédera pas les moyens de les faire exécuter[2]. » M. de La Marck demande donc que la reine ait dans le conseil des ministres qui soient à elle. Ce qu’il y avait de pis en effet pour la reine, c’est que, faute d’hommes qui lui fussent dévoués dans le conseil, elle n’avait pas d’influence, et qu’en même temps elle se trouvait responsable de tout devant le public. Quand les ministres résistaient à l’assemblée, le public ne voulait pas croire qu’ils résistassent d’eux-mêmes, et, comme la faiblesse du roi était généralement reconnue, on s’en prenait naturellement à la reine. « Les suites d’une telle opinion, dit M. de La Marck à M. de Mercy[3], peuvent devenir très graves. »

M. de La Marck qui ne veut point de la contre-révolution, et nous verrons plus tard quelle est sa politique, qui est la même que celle que conseille Mirabeau, M. de La Marck a, outre ses raisons générales, une raison particulière pour ne point vouloir la contre-révolution, c’est

  1. Note du 13 août 1790, t. II, p. 130.
  2. Tome II, p, 288.
  3. Lettre du 9 novembre 1790, t. II, p. 295.