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annoncé, et qu’ils pensent qu’en attendant il suffit de quelques démarches privées de leur part pour assurer leur sûreté personnelle. En combinant cette conduite avec l’agitation démoniaque de vingt-quatre millions de fous, comment prévoir d’autre résultat que l’avenir le plus déplorable[1] ? »

M. de La Marck, j’ose le dire, parle ici comme la postérité a jugé et jugera Louis XVI et Marie-Antoinette. Voilà bien ce roi incapable de régner, peut-être même dans des temps médiocrement agités, et jeté au milieu des orages par la destinée de la plus terrible révolution, n’ayant pour se défendre ni l’énergie du caractère ni l’activité de l’esprit, n’ayant qu’une seule qualité qui fut un grand défaut tant qu’il régna et qui devint une vertu sublime dans la prison et sur l’échafaud : la résignation ; rien de la vocation d’un roi, tout de la vocation d’un martyr, ne sachant ni ne voulant se défendre, et appelant, pour ainsi dire ; par son inaction dans le péril, ou tout au moins laissant venir sans répugnance, les circonstances qui convenaient le mieux aux vertus de son caractère ; penchant tout naturel et involontaire qui s’unissait dans Louis XVI à cette paresse d’esprit et de caractère que produit le malheur. Et ce n’est pas seulement M. de La Marck qui, avec sa sagacité judicieuse, surprend et découvre dans Louis XVI ce goût d’en finir par le martyre et de le prendre comme un dénoûment qui lui est commode et honorable ; M. Pellenc, que j’ai déjà cité, et qui est aussi un homme de grand sens et de grand esprit, après avoir fait à M. de La Marck, dans une lettre du 11 mars 1792, un tableau affreux de l’état des choses, finit par ces mots expressifs : « On dit que le roi se conduit dans son intérieur comme un homme qui se prépare à la mort[2]. »

À Dieu ne plaise qu’en dépeignant le caractère de Louis XVI, tel que le montre la correspondance de M. le comte de La. Marck, je veuille diminuer en quoi que ce soit la vénération et la pitié qui s’attachent à la mémoire du roi martyr ! je veux seulement indiquer la part que les faiblesses et les indécisions de Louis XVI ont eue dans la révolution, et en tirer cette leçon, que quiconque s’abandonne dans le péril, roi ou peuple, ne rachète pas ses fautes par sa résignation.

La reine Marie-Antoinette n’est pas moins fidèlement peinte que Louis XVI par M. de La Marck. M de La Marck a pour la reine Marie-Antoinette le plus respectueux dévouement. Attaché comme sa famille à la maison d’Autriche, il aime dans Marie-Antoinette la fille de Marie-Thérèse ; mais il ne sacrifie pas la vérité à son attachement, et il peint la reine telle qu’il l’a connue. Ce portrait, sincère et vrai, est charmant et touchant ; rien n’est pour la montre et pour l’effet, mais tout

  1. Tome III, p. 248-249.
  2. Tome III, p. 298.