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de flotter après lui. N’ayant point, par le malheur des temps, douce et brillante destinée qu’elle avait souhaitée, ni, par le caractère de son époux, la vie héroïque et périlleuse qu’elle eut acceptée de si grand cœur, réduite aux malheurs de la prison, du procès, de l’échafaud, c’est-à-dire à une adversité qui n’avait d’autre éclat que celui d’un affreux changement de fortune, la reine Marie-Antoinette se fit donc, et c’est par là surtout que je l’admire, les vertus qui n’étaient pas celles de son caractère, mais qui devenaient celles de sa destinée. Elle fut patiente et calme, elle changea son énergie en fermeté ; l’héroïne se fit martyre, trouvant dans la force de son ame un autre genre de courage, plus grand parce qu’il a besoin de persévérance et montrant par là que les grandes et fortes ames savent honorer par leur constance toutes les sortes de malheurs.

J’ai cru devoir d’abord retracer le caractère de Louis XVI et de la reine, tels que les dépeint la correspondance de M. de La Marck, avant d’arriver à Mirabeau, c’est-à-dire à celui qui, à l’instigation de M. de La Marck, entreprenait de sauver le roi et la reine du péril que leur créaient les événemens, les partis et leurs propres caractères. J’étudierai Mirabeau et son plan politique dans un second article ; mais je ne veux pas finir le premier sans remercier M. de Bacourt du service qu’il a rendu à l’histoire et à la littérature en publiant avec tant de soin cette curieuse correspondance, et en y joignant une si excellente introduction. M. de La Marck, dans les notices de sa main qui font partie de l’introduction, aime à s’effacer derrière Mirabeau, et M. de Bacourt s’efface aussi tant qu’il peut, derrière M de La Marck ; mais si la modestie de M. de La Marck ne nous empêche pas de lui rendre son rang à côté de Mirabeau, M. de Bacourt nous pardonnera de ne pas être plus aveugle et moins reconnaissant à son égard qu’à l’égard de M. de La Marck.


SAINT MARC GIRARDIN.