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de la jeune fille ; elle en avait tant de fois entendu de pareils ! Quand elle rencontrait don Patricio, elle lui tendait la main en marmottant, et comme le jeune officier, par bonté de cœur et sans la reconnaître sous la mante qui couvrait son front, lui donnait toujours quelque chose, elle professait pour ce noble cavalier une admiration sincère.

— Ah ! ma fille, dit-elle un jour à Rosita, je prie Dieu tous les jours pour qu’il reste long-temps ici ! Sais-tu s’il doit bientôt partir ?

— Il ne m’en a point parlé, répondit la jeune fille avec émotion.

— Hein ! fit la vieille, ces étrangers là décampent un matin comme des oiseaux sans avertir personne. Il est vrai qu’ils arrivent de même, et quand l’un a disparu, il en revient un autre.

En achevant ces mots, la duègne prit son bâton pour s’éloigner. Rosita l’arrêta par le bras : Dolorès, lui dit-elle, don Patricio est un cavalier plein de cœur ; il ne me quitteras ainsi. Que deviendrais-je quand il serait parti ? N’est-ce pas, Tia, n’est-ce pas qu’il aura pitié de moi ?

À ces paroles qui trahissaient une émotion profonde, la duègne leva sur la jeune fille, des yeux surpris. — Jésus ! ma pauvre petite ; tu l’aimes donc tout-à-fait ! Demanda-t-elle à demi voix.

— Je vous l’ai dit dès les premiers jours ; répliqua vivement Rosita, et lui aussi, il m’aime ! Si vous voyiez comme il sourit quand je lui dis bonjour en passant, quand je lui touche le coude à la promenade !

— Ah ! niña, si tu étais moins pauvre, si tes parens avaient un peu de crédit !

— Eh bien !

— Il y aurait moyen de tout arranger. Tu diras qu’il a promis de t’épouser, on l’empêcherait de partir au nom de la loi… Mais, non, cela ne se peut pas ! il est officier, et son commandant le réclamerait. Tu n’as qu’à renoncer à lui, mon enfant ; tu es bien jeune, Dieu merci, et tu as le temps de l’oublier !

— Jamais ! jamais ! s’écria la Rosita.

— Si j’avais autant d’onces d’or que j’ai entendu de ces sermens-là, reprit la duègne, je serais bien riche.

— Jamais ! Entendez-vous ? répéta la jeune fille avec exaltation. Je sais qu’il est impossible de le retenir ici ; eh bien ! je le suivrai.

— Allons, allons, dit tout bas la duègne, il n’y a pas à disputer avec un enfant en colère. Donnez donc de bons avis à des obstinés qui veulent tout faire à leur guise ! Cela n’a pas quinze ans, et cela n’écoute pas la vieillesse ! Et elle s’en alla traînant sur le trottoir son pas inégal.

Plusieurs jours se passèrent pendant lesquels Rosita, en proie à une certaine inquiétude, courait par la ville, et cherchait à rencontrer partout don Patricio, comme pour s’assurer qu’il n’était pas parti. Le soir