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qui tempère en Chine les rigueurs de la servitude. Le pouvoir s’y exerce avec des formes dures et féroces ; la tyrannie s’y défend par des exécutions en masse et d’atroces boucheries.

Ce royaume, dont la Cochinchine forme le centre, le Camboge et le Tong-king les annexes, est un des points de l’extrême orient sur lesquels l’attention de la France s’était dirigée avant la révolution de 89. Vers cette époque, ce fut à un missionnaire français, l’évêque d’Adran, que le souverain de la Cochinchine dut la conservation de son trône. Dépossédé de la majeure partie de ses états, le roi Gia-long confia son fils à ce prélat étranger. L’évêque d’Adran passa en France avec le jeune prince, et un traité qui nous assurait la possession de la baie de Tourane fut signé, en 1787, entre le roi Louis XVI et le missionnaire agissant au nom du souverain annamite. La révolution de 89 vint s’opposer à l’entière exécution de ce traité. Quelques officiers français passèrent cependant en Cochinchine, rouvrirent à Gia-long l’entrée de ses états et l’aidèrent plus tard à faire la conquête du Tong-king. Ces officiers organisèrent l’armée, créèrent les places, dirigèrent les opérations militaires ; mais le souvenir de ces grands services ne survécut point au prince qui en avait profité. Ses successeurs, voués aux idées chinoises, s’empressèrent de relever entre l’Europe et la Cochinchine cette vieille barrière qui ne s’était abaissée un instant que pour livrer passage aux secours de la France. Le pouvoir despotique de ces malheureuses contrées à la conscience ombrageuse de tout mauvais gouvernement et redoute à l’excès la moindre influence extérieure. Le roi s’est arrogé le monopole du commerce : ce système l’enrichit et ruine le royaume. La population appauvrie traîne une existence misérable dans le plus fertile pays du monde. Sur cette terre qui porte chaque année deux moissons, on ne rencontre que des êtres chétifs et amaigris. La race annamite, abrutie par ses souffrances, est d’une timidité extrême, sans culture dans l’esprit, sans autre expression dans la physionomie que celle d’un ébahissement naïf ou d’une vague appréhension. Toute trace des innovations introduites par les officiers français a disparu depuis long-temps, et cette armée cochinchinoise, qui avait soumis le Tong-king, n’a pu défendre le Camboge contre les troupes du roi de Siam. Si le climat n’y mettait obstacle, un millier d’Européens feraient aisément la conquête du royaume annamite.

La Corée, moins connue de l’Europe que la Cochinchine, est cette longue péninsule qui sépare la mer Jaune de la mer du Japon. Ce royaume se trouvait exposé par sa situation aux incursions des Japonais comme à celles des Chinois. Vers la fin du XVIe siècle, ce fut une armée japonaise qui en ravagea les provinces méridionales ; dans le XVIIe, ce furent les Chinois qui s’avancèrent jusqu’à la capitale et firent