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leur apporta de l’Inde, — ils demandent tous la même chose : longue vie et richesse. Abâtardie dans les classes supérieures par une civilisation efféminée, dans les couches inférieures de la société par la misère, cette race est aujourd’hui la race la plus positive et la plus matérialiste du globe.

Tel est l’empire auquel l’Angleterre a déjà fait subir la puissance de des armes, la France catholique l’infatigable action de sa propagande la marine anglaise et la nôtre ont eu toutes deux leurs campagnes dans ces mers lointaines. Pour défendre leur commerce, les Anglais ont ébranlé le trône de Tao-kouang ; pour protéger les chrétiens chinois, nous n’avons pas craint d’intervenir dans le gouvernement intérieur de la Chine. L’influence britannique s’adresse à l’industrieuse activité de ce peuple ; la notre ne recherche que ses sympathies. C’est par la guerre que l’Angleterre a dû maintenir sa prépondérance commerciale en Chine : nous n’essaierons point de refaire le récit des campagnes bien connues de 1840 et de 1841 ; nous insisterons davantage sur l’expédition si brusquement décisive de 1842, dont les incidens et les résultats ont peut-être trouvé la France trop inattentive. Cette expédition a révélé ce que ne nous avaient point appris les deux autres campagnes : c’est qu’il ne faut qu’une démonstration maritime bien dirigée pour triompher du gouvernement de Pe-king. L’Angleterre sait désormais comment doit être conduite une guerre européenne dans le Céleste Empire ; quand elle le voudra, elle pourra remporter sur le cabinet impérial une victoire d’intimidation aussi complète que celle qui fut couronnée par le traité de Nan-kin ; mais a-t-elle aujourd’hui dans les conséquences d’un pareil succès, la confiance qui l’animait il y a quelques années ? Si l’on ne veut considérer qu’une armée anglaise en regard d’une armée chinoise, si l’on ne veut point sortir du cadre des opérations militaires, le gouvernement britannique n’a rien à craindre d’un nouveau conflit avec la Chine. Tout n’est point dit cependant quand on a fait plier la dynastie tartare et la population officielle qui se groupe autour de son trône. Vaincue dans son gouvernement et dans ses armées, la Chine proteste encore contre le triomphe de l’étranger par la persistance des passions populaires. Il y a deux faces à l’action de l’Angleterre en Chine : dans la guerre, cette action se meut à l’aise ; avec la paix, la Chine reprend ses avantages. Au tableau des faciles succès de la guerre il y a donc un intérêt sérieux à faire succéder le tableau des difficultés de la paix ; mais ce tableau nous amène à interroger la société chinoise elle-même, il aura sa place dans une autre partie de ce travail. Ce sont les années de lutte ouverte dont l’histoire doit seule nous occuper aujourd’hui ; ce sont elles qui nous introduiront au milieu des embarras et des complications qui ont suivi la guerre de l’opium, et qui, pendant un