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leurs fertiles campagnes ; ceux qui avaient quitté la ville y rentraient en foule ; le marché était richement approvisionné, et la confiance commençait à s’établir entre les Chinois et les barbares. Si les Anglais avaient eu de plus vastes desseins, l’occasion était favorable alors pour prendre pied sur le territoire du Céleste Empire. Tout cédait à la force de leurs armes ; ils avaient devant eux une riche et fertile province, habitée par une population pacifique et industrieuse, commandée par une forte position, l’île de Chou-san, dont on pouvait faire le pivot et comme la citadelle de cette occupation militaire. Cette province, couple dans tous les sens de canaux et de fleuves, pouvait fournir en abondance les deux principaux produits de la Chine, le thé et la soie ; elle promettait par son climat, par sa situation géographique, par la fécondité du sol, par l’humeur débonnaire de la population, de devenir un jour une des plus magnifiques possessions de l’empire britannique. Une poignée d’hommes y maintenait depuis six mois une domination presque incontestée ; une armée telle que l’Inde la pouvait fournir eût assis cette domination sur des bases plus solides que celles qui soutiennent aujourd’hui l’édifice politique de la plupart des nations européennes. L’ascendant des vainqueurs eût été subi sans résistance par les timides habitans du Che-kiang, le jour où on les eût rassurés, par une occupation définitive, contre la vengeance des mandarins ; mais personne n’est plus effrayé de la grandeur de l’Angleterre que l’Angleterre elle-même. Elle recule devant la fatalité qui la pousse, et ce qu’elle demande aux cinq parties du monde, ce n’est pas de nouvelles provinces, mais de nouveaux marchés. Produire et vendre, voilà la destinée que lui ont faite les nouvelles conditions de son existence. C’est à ce besoin impérieux qu’avait obéi le cabinet britannique quand il s’était décidé à entreprendre une expédition que réprouvait le sens moral d’une partie du parlement. Le ministère whig voulait obtenir pour le commerce anglais une réparation du dommage que ce grand intérêt avait souffert, ouvrir à ses opérations un plus vaste théâtre et lui conserver un point d’appui sur la côte ; il voulait aussi lui assurer des défenseurs pleins de sollicitude qui n’eussent point à s’humilier devant les autorités chinoises et pussent entretenir avec elles des relations dignes des représentans d’un grand pays. Ce but n’était pas atteint par l’occupation du Che-kiang ; il s’agissait de le poursuivre, et ce fut l’objet d’une troisième campagne, celle de 1842. L’histoire des opérations de l’armée anglaise en Chine à cette époque se lie à trop d’intérêts actuels, et ces opérations mêmes ont eu des conséquences trop décisives pour ne pas mériter une attention particulière.

Entre les immenses provinces sur lesquelles le souverain qui réside à Pe-king étend son pouvoir, il existe une division naturelle : cette division, c’est le Yang-tse-kiang qui l’établit. Jamais plus puissante