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telle que les barbares la faisaient autrefois. La petite ville de Kwa-tchou, située sur la rive opposée du Yang-tse-kiang, offrit pour sa rançon 3 millions.de francs, et obtint à ce prix d’être exemptée d’une occupation désastreuse. On se contenta de mouiller une frégate à l’ouverture de la branche septentrionale du grand canal, et la séparation des deux parties de l’empire fut accomplie.

La terreur désormais régnait à Pe-king ; le parti de la paix l’avait définitivement emporté. On se sentait impuissant à combattre ces vaisseaux qui, suivant les rapports des mandarins, s’élevaient du sein de l’océan comme des montagnes et défiaient toutes les foudres de la Chine. Niu-kien, général tartare, Eli-po, vieillard octogénaire, Ki-ing, membre de la famille impériale, accouraient munis de pleins pouvoirs pour traiter avec les barbares et accéder à leurs propositions. Déjà cependant les quarante milles qui séparent Chin-kiang-fou de Nan-king avaient été franchis par la flotte anglaise, et les couleurs britanniques flottaient sous les murs de l’antique capitale de la Chine, de la résidence favorite de ses plus glorieuses dynasties. Les vaisseaux étaient embossés devant les remparts, les troupes débarquées, un des angles de la ville désigné pour l’assaut, quand sir Henry Pottinger donna l’ordre de suspendre les hostilités. Le 29 août 1842, le traité de Nan-king, fut signé à bord du vaisseau le Cornwallis.

Par ce traité, le gouvernement chinois s’engageait à payer dans l’espace de trois ans une contribution de guerre d’environ 120 millions de francs, à ouvrir au commerce les ports de Canton, Amoy, Fou-tchou-fou, Ning-po et Shang-haï, à céder enfin aux Anglais l’île de Hong-lpng, qu’ils occupaient déjà. De son côté, le gouvernement britannique promettait de restituer l’île de Chou-san et celle de Ko-long-seu, dans la rade d’Amoy, dès que l’entier paiement de la contribution stipulée aurait eu lieu. Le 20 septembre, vaisseaux, navires à voiles et navires à vapeur, bâtimens de guerre et bâtimens de transport, tout avait appareillé. La flotte redescendait le Yang-tse-kiang, et cette terrible apparition, qui avait semé l’effroi sur sa route, semblait s’évanouir comme s’évanouissent les fantômes évoqués par un rêve ; les murs noircis de Chin-kiang-fou gardaient seuls les traces du sanglant passage des barbares. Les populations rendues à leurs travaux oublièrent bientôt ce funèbre souvenir. Dans les autres parties de l’empire, la retraite des orangers fut célébrée comme une victoire. Les levées appelées des bords du fleuve et du lac Poyang, les soldats venus du Kiang-si, du Hou-pe, du Hou-nan, reprirent sur des barques le chemin de leurs provinces. Ces vaillantes troupes, qui n’avaient pas vu l’ennemi, n’en revenaient pas moins triomphantes. Chaque détachement avait sa bannière arborée à l’un des mâts de la jonque, et les chants dont ces guerriers faisaient retentir les rives étonnées du Yang-tse-kiang commençaient