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pour administrer le sacrement du baptême, présider aux funérailles, découvrir ou réformer les abus ; les autres étaient généralement des pères de famille choisis parmi les chrétiens les plus instruits. Le missionnaire les chargeait d’entretenir les nouveaux fidèles dans leur foi par des lectures pieuses et des exhortations familières. On comptait trois cent mille chrétiens environ dans l’empire chinois, trois cent quarante mille dans les deux vicariats du Tong-king, quatre-vingt mille dans celui de la Cochinchine, quelques milliers à peine en Corée. C’était une bien faible partie de l’immense population qu’on voulait convertir ; mais, il faut le répéter, la plupart de ces fidèles étaient des chrétiens comme l’Europe n’en connaît plus guère. Ils avaient confessé la foi par l’exil, par la torture, ou tout au moins par la pauvreté volontaire. Les uns avaient gémi pendant des années entières au fond de l’Asie centrale, sur les confins du Turkestan et de la Sibérie ; d’autres, agenouillés dans le prétoire, avaient bravé le bâton des bourreaux ; d’autres avaient fui dans les montagnes, abandonnant aux satellites tout ce qu’ils possédaient. Il avait donc fallu obtenir de cette race craintive qu’elle osât braver les édits sans cesse renouvelés des mandarins, il avait fallu apprendre à ces natures cupides l’horreur de l’usure, il avait fallu renverser le respect des traditions, abolir les coutumes les plus chères à ce peuple et en apparence les plus saintes, l’éloigner des tombeaux de ses pères, comprimer ses instincts invétérés et exalter son attachement aux nouvelles croyances jusqu’au courage et au dévouement du martyre. Pour faire des chrétiens de ces hommes, il avait fallu les transformer.

Comment les missionnaires avaient-ils opéré ce prodige ? Par l’exemple de leur propre vie et l’exemple de leur propre foi. Ils n’avaient point offert à ces pauvres gens les dogmes du christianisme comme une théorie ou un système, mais comme une histoire qu’ils tenaient eux-mêmes pour avérée, et ce témoignage, ils s’étaient montrés prêts à le sceller de leur sang. Ils ne se donnaient point pour des hommes à miracles, mais leur constance et leur résignation étaient un miracle renouvelé chaque jour aux yeux de ces néophytes qui n’avaient jamais rien rêvé de semblable. En moins de trente ans, le vicariat du Hou-kouang fut arrosé du sang de trois prêtres européens, un franciscain et deux lazaristes français, MM. Clet et Perboyre ; dans la seule année 1838, la persécution immola en Cochinchine vingt-trois martyrs : trois évêques, deux missionnaires, neuf prêtres indigènes, cinq catéchistes et quatre fidèles. Tout servait de prétexte à la haine des persécuteurs. Ils affectaient de confondre les chrétiens au Tong-king et dans le Camboge avec les rebelles, en Chine avec la secte des Pe-lient-kio, qui avait jadis renversé la dynastie mongole, et qui, grossie de tous les vagabonds de l’empire, conspirait encore la ruine de la dynastie mongole, et qui grossie de