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les nouveaux tarifs de douane et les réglemens de commerce. La taxe la plus considérable, celle que prélevait sur les navires européens la cupidité des autorités de Canton, le kam-sha, qui s’élevait à plus de 12,000 francs par navire, fut définitivement abolie. On ne maintint que les droits impériaux et le droit de navigation, fixé à 3 fr. 75 cent. par tonneau. Les objets importés ou exportés furent soumis à une taxe modérée qui ne dépassa pas 5 ou 10 pour 100 de la valeur conventionnelle attribuée à ces marchandises. Jamais conditions plus libérales n’avaient été faites en aucun pays au commerce étranger ; il importait de mettre la France en mesure d’en profiter. Le commandant de l’Erigone se hâta de revenir à Macao. Les Anglais se montraient disposés à n’exiger aucun avantage exclusif ; ils avaient fait même insérer dans leur traité commercial un article qui étendait aux autres nations les stipulations obtenues en faveur du commerce britannique ; mais il ne pouvait nous convenir d’accepter cet état de choses et de n’être admis sur les marchés de la Chine qu’en vertu de cet acte de dédaigneuse munificence. M. Cécille et plus tard M. de Ratti-Menton, nommé consul de France à Canton, s’empressèrent tous deux de réclamer pour les négocians français une complète participation aux privilèges dont jouiraient les sujets des autres puissances dans le Céleste Empire. Le 10 septembre 1843, les droits de la France furent solennellement reconnus et consignés dans une communication officielle adressée par Ki-ing et Ki-kong à M. Guizot alors ministre des affaires étrangères. Une mission diplomatique confiée à M. de Lagrené vint bientôt convertir en un traité solennel cette convention provisoire.

Ce traité, conclu à Wam-poa le 24 octobre 1844, ne pouvait être, comme celui que venait d’obtenir quelques mois auparavant le plénipotentiaire américain, que la reproduction du traité anglais. Sur le terrain commercial, le principe d’égalité établi par les Chinois écartait avec habileté toute prétention nouvelle ; mais on pouvait porter sur un terrain moins ingrat l’immense influence qu’assurait au plénipotentiaire français l’éclat d’une mission appuyée par des forces imposantes. Ce fut alors que quelques personnes songèrent à obtenir la révocation des édits promulgués contre les chrétiens. Cette démarche n’avait pas été prévue dans les instructions données à M. de Lagrené ; elle était digne de la France et des hommes qui la représentaient dans ces mers lointaines ; elle honore également ceux qui en conçurent la pensée ceux dont l’habileté en assura le succès. L’empereur Tao-kouang avait ouvert son règne par de nouveaux édits de proscription contre la religion chrétienne : il fallait l’amener à les déchirer à la face de l’empire. Avant la guerre, il ne se fût point trouvé un mandarin pour lui conseiller une pareille mesure ; mais la voix des étrangers était devenue toute-puissante, et leur influence opérait des miracles. L’amiral