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qui, après les avoir protégés à l’origine, les entoure peu à peu d’inextricables liens.

Après la révolution de 1789, les classes ouvrières entrent dans la société générale ; le tourbillon les emporte et les confond au sein de la grande unité française. Quand elle cherchait à déraciner jusque dans leurs fondemens toutes les anciennes classes, la révolution ne pouvait pas songer à en former une avec les travailleurs affranchis : elle appelait les intelligences populaires à participer activement et non plus par reflet au mouvement général des esprits. Il y avait encore dans le passé cette différence, que le développement prenait un caractère politique et que le mur étroit de la corporation n’était plus là pour l’arrêter. La législation disciplinaire du consulat et de l’empire posa les premières assises de la société industrielle. Restant fidèle au principe de la liberté du travail, mais cherchant à en prévenir les écarts, elle donna à l’industrie une sorte de droit public. À une époque où toute la vie du pays débordait au dehors sous nos drapeaux victorieux, il étai impossible que les masses ne subissent point l’influence des idées militaires communes à toute la nation. De même que le sentiment politique les avait agitées après 89, de même alors ce qui les dominait et les passionnait, c’était le sentiment national. On le reconnut bien au moment de nos désastres ; toute l’activité morale des populations laborieuses s’était réfugiée, dans ce noble instinct.

Sous la restauration, à mesure que l’industrie, se développant après le rétablissement de la paix étonnait les regards par la rapidité de ses triomphes, quelques symptômes semblèrent déjà présager pour les classes ouvrières une vie propre dont les élémens s’élaboraient ; mais rien encore n’annonçait un courant d’idées et d’intérêts assez spécial et assez fort pour commander l’attention des hommes d’état. De la révolution de 1830 date un changement considérable. À voir le soin avec lequel le gouvernement de juillet s’inquiète du sort des ouvriers, soit en cherchant à créer de nouvelles sources de travail, soit en multipliant les écoles, en développant l’institution des caisses d’épargne, des salles d’asile, etc., il est facile de juger qu’une force naguère inconnue le presse et le sollicite. Les gouvernemens, quels qu’ils soient, n’ont pas l’habitude de s’avancer dans une voie nouvelle sans y être poussés par le besoin de la société. L’initiative chez les dépositaires du pouvoir consiste, en général, à reconnaître les nécessités publiques avant qu’elles éclatent violemment. Dès ses premières années, le gouvernement de 1830 comprit que la réalité, sociale acquise déjà aux ouvriers réclamait de sa part une action vigilante. L’industrie favorisée prit un essor inoui jusque-là ; la population laborieuse employée dans les fabriques se développa rapidement ; son état moral et matériel appela les regards des publicistes et dies économistes. Les problèmes qui se rattachent à la vie industrielle acquirent une importance