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aborde la question littéraire. Les premiers monumens de la littérature flamande sont des poèmes chantés par des espèces de bardes désignés sous le nom de vinders. Ces poèmes, que M. de Baecker analyse ou traduit, ont un caractère énergique et simple qu’on ne trouble que dans les compositions tout-à-fait primitives. M. de Baecker consacre aussi une partie de son livre aux chambres de rhétorique. Il est probable que ces associations prirent naissance au XIIe siècle, et que les vinders, qui jusqu’alors avaient mené une vie errante et isolée, se réunirent en gildes ou confréries religieuses et littéraires, comme les bourgeois des villes affranchies se réunissaient en corporations industrielles ou en associations militaires. Les chambres de rhétorique commencèrent par donner sur des chariots, au milieu des rues et des places, des représentations de scènes muettes dont le sujet était emprunté aux mystères de la foi chrétienne, aux souvenirs des croisades et des pèlerinages à Jérusalem ou à Saint-Jacques de Compostelle, plus tard, les scènes dialoguées furent jouées sur des théâtres, et même dans les habitations particulières, pendant la durée des festins d’apparat. Régulièrement organisées et liées entre elles par des relations bienveillantes, les chambres étaient soumises à une hiérarchie régulière ; elles avaient un empereur, un prince souvent héréditaire, un président d’honneur, un porte-étendard, quelquefois même un bouffon, et, sous le nom de factors, des poètes qui étaient chargés de composer les pièces de théâtre et les vers qu’on répétait dans les grandes solennités. De brillans concours entretenaient entre les villes une active émulation, et des prix, connus dans les grandes communes sous le nom de joyaux du pays, dans les petites sous le nom de joyaux de la haie, récompensaient les vainqueurs de ces luttes poétiques. Au XVe siècle, les confréries littéraires de la Flandre furent pour ainsi dire arrachées, par l’esprit des temps nouveaux, à leurs traditions pacifiques. Les questions politiques et religieuses étaient désormais à l’ordre du jour, et en 1539, quand la rhétorique de Gand mit au concours ce programme : Quelle est la plus grande consolation de l’homme mourant ? de nombreux concurrens envoyèrent de tous les points de la Flandre des dissertations dans lesquelles ils attaquaient tout à la fois la politique espagnole, le pape, les moines, les indulgences. La poésie fut oubliée pour la polémique active, et l’esprit national des Flamands, comprimé par la domination étrangère, se réveilla avec une singulière ardeur dans ces joutes littéraires, qui furent interdites par les gouverneurs des Pays-Bas. Lorsque le traité d’Aix-la-Chapelle eut définitivement réuni la Flandre à la France, la littérature et la langue nationale persistèrent sous la domination nouvelle comme elles l’avaient fait sous la domination espagnole, et le siècle de Louis XIV fut aussi pour la West-Flandre une époque de brillante culture littéraire. Dunkerque citera toujours avec orgueil le nom de Michel de Swaen, auteur d’une traduction du Cid, d’une tragédie originale — l’Abdication de Charles-Quint, et de divers poèmes, dont l’intitulé : De la vie et de la mort de Jésus-Christ, offre, au jugement des personnes initiées à la langue flamande, des beautés du premier ordre et l’empreinte d’une véritable inspiration religieuse. Le XVIIIe siècle eut aussi sa pléiade, et de nos jours encore quelques poètes ont gardé, avec l’amour de la vieille nationalité, l’usage poétique et familier du vieil idiome. Hubben de Dunkerque, Bertein et Bels de Wormhout, van Rechem d’Hazebrouck, sont dans notre siècle même les derniers représentans des