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cherchent avant tous les faits, les dates précises, les éclaircissemens. Sévères et correctes dans la forme, ils appartiennent, par les idées, à l’école des bénédictins plutôt qu’à l’école moderne, et comme ils se souviennent de quelle manière ils ont été traités par leurs compatriotes Robespierre et Joseph Lebon, ils se montrent en politique très peu sympathiques aux théories de la terreur, et en religion ils sont plus près de De Maisre et de Bonald que de Voltaire, ce qui ne les empêche pas d’être sincèrement attachés à la cause de la liberté et du progrès, mais de la liberté tolérante et du progrès pratique.


II. – PICARDIE. – LA MILICE D’AMIENS. – UN MUSEE CELTIQUE. – LA SOCIETE DES ANTIQUAIRES DE PICARDIE ET LA SOCIETE ACADEMIQUE DE L’OISE.

La Picardie, pays de communes et de traditions comme la Flandre et l’Artois, s’est montrée, ainsi que ces deux provinces, fort curieuse de son passé. Amiens, qui, dans les dernières années de la restauration, était encore une ville exclusivement industrielle, s’est métamorphosée en succursale de l’Académie des Inscriptions et malgré les agitations de ces dernières années, les travaux de l’érudition ne s’y sont point ralentis. Les Coutumes locales du bailliage d’Amiens, par M. Bouthors, savant travail plein de vues exactes et judicieuses ; la Bibliographie picarde, de M. Dufour ; les actes de l’Église d’Amiens, publiés par les soins du vénérable évêque de cette ville, M. Mioland ; les Recherches de M. Rigollot sur les peuples d’origine germanique qui ont envahi la Gaule au Ve siècle, et son Essai su les arts du dessin en Picardie depuis l’époque gallo-romaine jusqu’à la renaissance, essai dans lequel on retrouve les qualités qui ont placé l’auteur au premier rang des savans de la province ; la Notice de M. Janvier sur les milices communales ; l’excellente Biographie de Ducange, par M. Hardorin ; la nouvelle édition de l’Histoire d’Amiens, et le Département de la Somme, de M. Dusevel ; la Descritpion de la Cathédrale d’Amiens, de M. Goze, les Stalles de cette même cathédrale, de MM. les abbés Duval et Jourdain, telles sont les publications récentes les plus notables qui complètent le contingent de l’érudition amiénoise. Le plus grand nombre de ces publications, par le caractère spécial des recherches et l’extrême gravité du sujet, s’adressent surtout aux archéologues et aux savans. MM. Dusevel et Janvier s’adressent plus particulièrement à toutes les classes de lecteurs, et c’est là sans contredit un mérite de plus.

En exposant l’origine des milices communales d’Amiens, M. Janvier a fort bien saisi le caractère de cette institution dans le Nord. Née de la commune, la milice est comme elle une association de défense mutuelle. On recourait à la force, parce qu’on était menacé par la force. « Si la commune est violée, dit la charte de Noyon, tous ceux qui l’auront jurée devront marcher pour la défendre. » Ainsi les constitutions urbaines du moyen-âge, comme notre constitution républicaine, étaient confiées à la garde de tous les citoyens. À Amiens, comme dans la plupart des villes de loi, les obligations de la milice comprenaient le service intérieur de la place et le service militaire pour le roi, ce qui équivalait, pour la bourgeoisie, à l’ost et à la chevauchée de la noblesse. Jusqu’en 1316, la milice amiénoise fut placée sous l’autorité exclusive du maître ; c’est à cette date seulement que la royauté intervint pour réglementer son organisation,