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des documens relatifs au pays messin, l’Histoire de Metz de M. Justin Worms, et quelques opuscules de MM. Auguste Digot, Chabert, Jules Gouy, Lorette et l’abbé Guillaume.

Tout ce qui se fait dans cette partie de la France est marqué d’une forte empreinte de patriotisme local ; la vieille individualité de la Lorraine s’y manifeste encore avec une grande énergie, et c’est sous ce point de vue que nous donnerons une attention particulière à un opuscule de M. C. de Dumast intitulé : Philosophie de l’Histoire de Lorraine. Dans cette brochure, composée pour le congrès scientifique de Nancy en 1850, M. G. de Dumast s’attache à prouver que les races mosellanes, c’est-à-dire les populations qui habitent entre le Rhin et la Meuse, ont reçu dans le développement de la civilisation moderne une véritable mission providentielle ; c’est l), suivant M de Dumast, dans le royaume d’Austrasie ; que se fonda l’alliance de l’église avec les jeunes conquérans barbares ; ce sont les peuples mosellans qui arrêtent en France l’invasion sarrasine ; ce sont eux qui défendent le saint-siège contre les Lombards. Dans le réveil moral qui suivit l’an 1000, ils marchent à la tête de la chrétienté, et, à toutes le époques décisives de notre histoire, ils apportent dans les luttes politiques et guerrières un contingent nombreux d’hommes supérieurs. En face de tous les démolisseurs albigeois, hussites on rustauds, ils se montrent les défenseurs intrépides des principes sur lesquels reposent les sociétés humaine : avec les Guise, ils sauvent l’unité nationale ; ils arrêtent avec eux, sous les murs de Metz, l’invasion allemande et ils arrachent à l’Angleterre la dernière conquête qu’elle ait gardée sur le sol français ; enfin c’est la Lorraine et la Pologne, Charles V et Sobieski, qui sauvent l’Europe dans la quatorzième et dernière croisade, en écrasant les Turcs sous les remparts de Vienne. Admirateur enthousiaste du passé, M. de Dumast n’accepte que sous bénéfice d’inventaire la théorie du progrès ; et, à force de patriotisme local, il en arrive parfois à des exagérations qui enlèvent à un travail d’ailleurs recommandable, et dans lesquels on trouve des aperçus ingénieux, le caractère d’impartialité et de précision dont les œuvres historiques ne sauraient se passer.

La théorie lotharingienne, soutenue par M. de Dumast, a été reprise en sous-oeuvre, développée et considérablement exagérée par M. G. de Latour. Tandis que M. de Dumast reste dans l’appréciation historique, M. de Latour met l’histoire au service de la politique, et il fait de la nation lorraine une sorte de peuple de Dieu, chargé de sauvegarder, en présence du scepticisme français, la tradition catholique. Suivant lui, Henri IV, Richelieu, Mazarin, Louis XIV et Napoléon représentent, dans notre politique nationale, le système rationaliste, tandis que les Lorrains et leurs princes représentent le système religieux et vraiment libéral. Richelieu, le plus profond, le plus formidable révolutionnaire de l’Europe après Lutter, a porté, comme ce dernier, les coups les plus terribles à la papauté, parce qu’en cherchant à abaisser l’empereur, il a abaissé le pape, tandis que la Lorraine, dont Richelieu a été l’un des ennemis les implacables, a toujours activement travaillé à la consolidation du saint-siège. Aujourd’hui, l’esprit lorrain survit encore dans la maison d’Autriche, la maison de Habsbourg-Lorraine, tutrice naturelle de la papauté, et le seul moyen de sauver l’Europe du danger dont la menacent tout à la fois les révolutionnaires et le Nord schismatique et demi-socialiste, c’est de cimenter une alliance entre