Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/946

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


Séparateur


31 août 1851.

Les conseils-généraux sont maintenant réunis. La question de la révision a été naturellement le premier point sur lequel aient porté leurs débats. Trente-sept se sont déjà prononcés : un seul, le conseil d’Eure-et-Loir, a décidé qu’il n’émettrait pas de vœu politique ; les trente-six autres demandent que la constitution soit révisée. Il paraît vraisemblable que les manifestations, qui ne pouvaient manquer de sortir de ces assemblées départementales, se classeront à peu près partout dans des proportions analogues. Le conseil-général d’Eure-et-Loire est certainement resté fidèle à la lettre même de la légalité : c’est un scrupule rare dans le temps où nous sommes, c’est du stoïcisme Il serait pourtant difficile de prouver que les trente-six conseils qui ne se sont pas crus aussi étroitement enchaînés par ce respect de la lettre se soient par cela seul écartés de l’esprit de leur mandat et des voies qui s’ouvrent chaque jour davantage à leur institution.

L’âge où nous vivons n’est point favorable à la fondation des établissemens politiques : il y a trop de mobilité dans les situations et dans les circonstances : les choses, les personnes, tout se renouvelle trop souvent et ne dure point assez pour prendre racine. Au milieu de cette instabilité perpétuelle, il est cependant une influence qui s’est faite, qui s’est assise, qui a prévalu contre toutes les révolutions, que les révolutions mêmes ont agrandie, au lieu de l’abattre : L’influence des conseils-généraux. La révolution de juillet leur a donné des bases plus populaires et un rôle plus étendu ; la révolution de février a presque invinciblement attiré sur eux tous les regards du pays, parce qu’à travers les fantasmagories dont elle couvrait la France, c’était encore dans les conseils-généraux qu’on avait la chance de trouver l’expression la plus sincère et la moins artificielle de la pensée nationale. On s’étonne qu’après un coup de main comme celui de février, qui semblait constater victorieusement la suprématie de la capitale sur la province, la province ait reconquis si vite une part si active dans le mouvement public. On ne réfléchit pas qu’il y avait là justement un recours tout prêt contre l’empire de ces fictions au nom desquelles les vain-