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autour duquel flottaient deux petites houppes de plumes noires. Le costume des Persans, mêlés en petit nombre aux Kurdes, était plus sévère. Sur une longue robe étroite et serrée à la taille se drapait une robe plus large, ouverte et à manches plissées jusqu’au coude. Quelques-uns portaient l’ample manteau, l’abbah, en poil de chameau, à fond blanc rayé de brun. Un bonnet pointu en peau d’agneau noir s’enfonçait jusqu’à leurs oreilles et rejoignait la barbe touffue qui s’étalait sur leur poitrine. Presque tous étaient armés de longs fusils à mèche, qu’ils tenaient appuyés sur l’épaule gauche ou couchés devant eux en travers de la selle.

Tels étaient les étranges satellites qui devaient diriger nos pas sur le territoire de la Perse. À peine nous étions-nous remis en route, qu’ils nous donnèrent le spectacle, d’une de ces fantasias dans lesquelles les milices orientales aiment à déployer leur adresse et leur agilité. On nous dit que cette fête militaire était donnée en notre honneur et que nous devions la considérer comme une marque de grande distinction. D’abord calme, la masse des cavaliers s’agita et s’ébranla peu à peu, quelques-uns se détachèrent et s’élancèrent au galop sur nos flancs en brandissant leurs lances de bambou, ou en faisant des passes brillantes avec leurs longs fusils. Bientôt, animés par ce prélude, s’évitant, se rejoignant, feignant tour à tour l’attaque ou la fuite, ils exécutèrent avec la hardiesse et l’aisance de cavaliers consommés le simulacre d’un combat qui nous donna une haute idée de la cavalerie persane. Une pareille troupe serait évidemment une force redoutable dans une guerre de tirailleurs ou de partisans où l’ennemi harcelé, poursuivi sans relâche par ces bandes aguerries, s’épuiserait en vains efforts pour atteindre et frapper ses insaisissables agresseurs.

La vue de ces jeux militaires nous rappelait seule que nous avions changé de pays, et que la population turque aux graves et indolentes allures avait fait place autour de nous à une société d’humeur plus vive et plus pétulante. Quant à la nature, elle était toujours la même, aussi triste, aussi désolée en Perse qu’en Arménie. Les maisons où nous couchions étaient aussi sales que les tristes gîtes où nous nous étions arrêtés depuis notre départ de Trébizonde. Cependant peu à peu nous arrivâmes dans une partie moins sauvage du pays, et bientôt nous pûmes remarquer une amélioration notable dans la vie, dans les ressources matérielles des habitans. Des maisons commodes et propres succédèrent aux misérables cabanes des pâtres kurdes ou arméniens. Dans les villes que traversait notre caravane, on distinguait aussi les traces d’une civilisation plus avancée, et dans les mœurs des populations, à côté de quelques disparates, beaucoup de côtés sympathiques et presque séduisans. Il fallait toute la douceur, toute la cordialité de ces mœurs pour nous rendre supportables les fatigues d’un voyage qui devant encore se prolonger pendant trois mois jusqu’à Té-