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architectonique et d’ornemens de toute sorte avec les temples chrétiens, qu’ils soient de style grec ou gothique. Chez les peuples musulmans, les architectes ont employé tout leur savoir, appliqué les inventions les plus élégantes de leur imagination à la construction et à la décoration des mosquées : celles-ci dominent partout les villes et leurs puissantes coupoles s’élèvent majestueusement, entre leurs minarets élancés, au-dessus de toutes les habitations, simples maisons ou palais. Aux mosquées, les plus beaux marbres, l’albâtre égyptien, le granit rouge, les colonnes élégantes en vert antique ou en porphyre, les chapiteaux dorés et gracieusement sculptés ; aux mosquées encore, les arabesques qui, sur l’émail, tracent les versets du Koran en lettres brillantes, les voûtes superposées aux stalactites d’or, les arcades élancées qui se courbent et s’entrelacent en décrivant l’ogive arabe ou le cintre byzantin. Partout l’idée de Dieu y domine, partout son culte frappe le regard, et la pensée de l’homme est ramenée vers le ciel.

La partie sud de la ville est celle où se trouvent réunis les édifices principaux. Là, sur un espace immense, s’ouvre la grande place, qui porte le nom de Meïdân-i-Clâh ou Place Royale. En temps ordinaire, la plus grande partie du Meïdan-i-Châh, qui est sans contredit une des plus vastes places du monde, est occupée par une foule de petits marchands forains, dont le commerce consiste en denrées d’espèce commune et surtout en marchandises d’occasion : c’est une espèce de foire permanente à la portée des consommateurs pauvres. Là, fripiers, quincailliers, fruitiers, revendeurs de toute espèce, abrités sous de grands parasols, étalent sur des lambeaux de tapis ou des nattes la défroque des morts, de vieilles armes rouillées, des outils, des selles ou brides de hasard, des pastèques, du raisin ou des fruits secs. Plus loin sont les maquignons et les chameliers, qui s’efforcent d’énumérer aux acheteurs les qualités de leurs chevaux, ou de faire l’éloge de la docilité de leurs chameaux. À côté d’eux retentissent les coups de marteau des maréchaux qui ferrent les chevaux ou les mules de quelque caravane prête à partir. Au milieu de ce monde animé sont quelques échoppes plus paisibles, sous lesquelles siègent gravement les écrivains et les médecins ou hékims. Ceux-ci sont en même temps apothicaires, et ils débitent les drogues qu’ils ordonnent, ce qui les entraîne à prodiguer les médicamens, au risque de tuer les malades. Quant aux écrivains, ils ont peu de pratiques, car en Perse il y a bien peu d’individus qui soient totalement illettrés. À côté des hékims sont les cuisiniers, qui, sur un petit fourneau où pétille une braise ardente, font rôtir leurs brochettes de khébâb. Dans ces restaurans en plein air, on trouve facilement le moyen de faire un bon repas : du pilau toujours prêt, du mouton rôti, des concombres, ou des salades trempées dans de l’hydromel, avec quelques dattes ou du raisin, tel est le menu dont peuvent se régaler, sans grands frais, les chalands attardés. Dans un