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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 novembre 1854.

Il se débat aujourd’hui en Europe un problème étrange en vérité. Il s’agit de savoir si la vigueur d’action que la France et l’Angleterre ont montrée dans les affaires d’Orient fera pencher la balance du côté du droit et de toutes les garanties conservatrices de la sécurité du continent, si elle parviendra à incliner toutes les volontés vers une politique plus décisive, ou si les deux puissances auront à combattre la Russie assistée de toutes les temporisations, de toutes les divergences intérieures et des neutralités mal déguisées de l’Allemagne. Il y a plus d’un an déjà que ce drame, noué par l’irrésolution et la faiblesse, se déroule dans toutes les chancelleries de l’Europe, lassant et décourageant toutes les prévisions. Il a eu ses personnages, ses épisodes, ses mystères, et même ses coups de théâtre ; il ne se peut pas qu’il ne touche désormais à son terme, soit que l’Allemagne prenne une résolution définitive favorable à l’Occident, soit que l’Angleterre et la France aient à continuer seules une guerre qui leur a été imposée par le sentiment le plus strict d’un intérêt universel. C’est là le double nœud de la situation de l’Europe au point où elle est arrivée.

Quoi qu’il en soit, c’est une lutte formidable, à coup sûr, qui se poursuit en ce moment dans la Crimée, tandis que l’Allemagne est en travail d’une politique. La guerre est suspendue sur tous les autres points de l’Europe ; nos escadres ont quitté la Baltique, et les vaisseaux russes ont pu librement sortir. Rien n’a été tenté sur le Pruth, comme on s’y attendait. Tout s’est effacé devant l’intérêt de ce choc terrible et toujours nouveau où nos armées sont forcées de balancer la supériorité du nombre de l’ennemi par la puissance de leur discipline et l’impulsion de leur courage. Trois fois, depuis qu’elles sont entrées en Crimée, les armées alliées ont eu à se mesurer avec les forces russes, — sur l’Aima, à Balaklava, et plus récemment à Inkerman ; — trois fois elles sont sorties en définitive victorieuses de la lutte, emportant les posi-