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cier certains faits. Ainsi, lorsque le cabinet de Berlin était d’avis que la convention du 20 avril était expirée par le fait même de l’évacuation des provinces du Danube par les Russes, tandis que l’Autriche considérait ce même traité comme ayant conservé toute sa force, c’était là sans doute plus qu’une simple nuance. Lorsque la Prusse, dans ces derniers temps, élevait l’étrange prétention d’exclure des principautés les Turcs et leurs alliés et de constituer l’Autriche dans une situation de neutralité armée entre les belligérans, lorsqu’elle demandait au cabinet de Vienne l’engagement de ne prendre en aucun cas l’offensive contre la Russie, de se contenter désormais, quelles que fussent les chances de la guerre, des propositions de paix du 8 août, de ne point contracter d’alliance en dehors de l’Allemagne et de soumettre toute résolution de sa part à une décision allemande, quelle était la réponse de l’Autriche ? Elle était aussi simple que formelle. L’Autriche répondait sur le premier point que sa position dans les principautés n’était nullement celle d’une neutralité armée, et qu’elle ne lui conférait aucun droit d’entraver les opérations de la Turquie ou de ses alliés. Elle refusait d’aliéner l’indépendance de son action vis-à-vis de la Russie en abdiquant son droit d’offensive. Le cabinet de Vienne ne cessait point de considérer les conditions du 8 août comme une base de paix acceptable ; mais ces conditions, essentiellement variables, pouvaient se modifier selon l’état de la guerre, et on ne dissimulait point que, si les puissances occidentales demandaient davantage, elles seraient fondées à le faire. Enfin, quant à l’engagement de ne contracter aucune alliance en dehors de l’Allemagne, l’Autriche était si peu disposée à y souscrire, que d’un autre côté elle se montrait au même instant prête à traiter avec l’Angleterre et la France pour régler son intervention éventuelle dans la guerre. L’Autriche était logique autant que l’était la Prusse elle-même. L’une marchait pas à pas à une action plus décisive, l’autre cherchait à faire sortir de toutes les circonstances la justification et le triomphe de son inaction. Comment un accord nouveau a-t-il été scellé entre les deux puissances allemandes ? La réalité est que sur la plupart des points de dissidence la Prusse a retiré ses conditions et ses oppositions. Elle a laissé l’Autriche libre de tout engagement ; elle a consenti à ce que l’Allemagne s’appropriât les quatre garanties du 8 août. Le cabinet de Berlin n’a obtenu gain de cause que sur une question, c’est que le traité du 20 avril ne suffisait pas pour assurer à l’Autriche les secours de l’Allemagne dans le cas où elle serait attaquée par la Russie en raison de sa position dans les principautés, et alors un article additionnel a été signé entre les deux cabinets. L’Allemagne se trouve donc pour le moment à l’abri de la scission qui la menaçait, mais il est bien évident que l’Autriche et la Prusse ne peuvent attacher le même sens à cet accord nouveau.

On va voir sans doute se dessiner cette différence à l’occasion de l’offre faite, dit-on, par l’empereur Nicolas de souscrire aux garanties du 8 août. Ces dispositions nouvelles du tsar connues à Berlin, voilà peut-être la grande cause des concessions de la Prusse, qui ne s’est point tenue pour très compromise de faire entrer dans la politique de l’Allemagne ce que la Russie acceptait. Les dernières propositions de la Russie, si elles étaient sincères, si elles portaient réellement la marque du désir de souscrire aux nécessités européennes.