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savoir si la paix va redevenir possible, ou si cette guerre, déjà poursuivie dans des proportions si vastes, va s’étendre encore.

Nous n’avons pas la prétention, on le conçoit, de trancher une telle question. Il faudrait connaître le secret de trop de conseils et de trop de volontés. Il suffit de préciser la situation actuelle de l’Europe dans sa simplicité terrible et dans sa grandeur. Si la Russie refuse de souscrire aux conditions qui sont devenues le dernier mot des cabinets réunis, il n’est point douteux que les puissances se trouvent en présence d’une guerre dont le but, la durée, les proportions et les moyens restent nécessairement indéterminés. Quant à la Russie elle-même, elle ne saurait ignorer les conséquences d’un refus dans les circonstances actuelles. Elle n’aura point seulement à soutenir le choc des puissances déjà engagées ; l’Allemagne tout entière ne peut manquer aujourd’hui de suivre l’impulsion de l’Autriche. Dans peu de temps peut-être, la Suède sentira le besoin de prendre position dans cette lutte. En Danemark, l’opinion publique s’est soulevée contre un ministère qui passait pour représenter l’absolutisme et l’influence russe. Des élections où s’est révélé un esprit unanime ont mis le roi dans l’heureuse obligation de choisir un nouveau cabinet. Ainsi la Russie se trouvera pressée, cernée par une coalition formidable de toutes les forces, de toutes les opinions, de tous les intérêts. Il y a là de quoi faire réfléchir l’empereur Nicolas dans cette courte trêve laissée à la sagesse, de même que la perspective d’une guerre longue et acharnée est de nature à borner les vœux actuels de l’Europe à ce qui est juste, à ce qui est nécessaire pour sa sécurité et pour son repos. Au milieu de ces puissantes et émouvantes diversions, il reste infiniment moins de place, comme on le comprend, pour les préoccupations ordinaires d’une vie politique intérieure, déjà assez débarrassée de toute cause de mouvement et d’agitation. C’est dans les actes des pouvoirs publics que tout se résume, soit qu’ils s’appliquent aux intérêts matériels du pays, soit qu’ils pourvoient aux nécessités financières et administratives des grandes choses qui s’accomplissent, soit qu’ils touchent au choix des hommes, si important surtout quand il s’agit de la représentation de la France au dehors. Il s’est opéré récemment un certain mouvement dans le corps diplomatique par suite de l’entrée au sénat de M. de Béarn, ministre dans le Wurtemberg. C’est M. de Perrière Le Vayer, esprit fin et habile, qui est envoyé à Stuttgart. D’un autre côté, M. Forth-Rouen, dont la position était devenue peut-être difficile en Grèce depuis qu’il avait été obligé de parler avec fermeté, va en Saxe remplacer M. Mercier, qui passe lui-même à Athènes. C’est un échange de postes diplomatiques. À ces choix vient se joindre une série d’avancement réguliers, de déplacemens ou de nominations nouvelles. La vie intérieure, bornée à ces actes administratifs ou au travail permanent des intérêts matériels, serait peu de chose, si sous ce calme apparent elle ne cachait au fond ces fermentations religieuses, morales, intellectuelles qui se traduisent de temps à autre par des signes et des incidens caractéristiques. On voit aujourd’hui un de ces incidens. L’église catholique offre pour ainsi dire le spectacle d’une émission nouvelle de doctrine. Le souverain pontife érige en dogme la croyance religieuse, libre jusqu’ici, à l’immaculée conception. Nous ne sommes point des théologiens ; seulement, en accom-