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y a un demi-siècle à peine, la girafe, le kangourou, l’ornithorynque, étaient pour la foule des bêtes aussi paradoxales que la licorne et le griffon des anciens. Si quelques animaux exotiques étaient mieux connus, on ne les rencontrait guère néanmoins que dans nos cabinets d’histoire naturelle, ces froides hypogées de la science. De tristes galeries dans lesquelles toute la nature était classée, étiquetée, empaillée et couverte de poussière, étaient plutôt faites pour répandre de l’ennui sur l’étude des animaux que pour lui donner de l’attrait. Aujourd’hui ces mêmes animaux vivent, s’agitent, se promènent, marchent, volent, rampent sous nos yeux. C’est un progrès. Les jardins zoologiques ont rendu de véritables services à l’histoire naturelle, en popularisant la connaissance des animaux, et en donnant à la science un air de fête. Ils ajoutent à l’agrément des villes, à l’éducation publique, à la civilisation et à la morale ; « car, dit un ancien, l’homme devient meilleur en étudiant les œuvres de Dieu. »

Malgré des services incontestables, on nous permettra de dire que le véritable caractère de ces établissements n’a point été jusqu’ici déterminé. Créés par l’initiative de quelques individus et par le concours d’une ville, les jardins zoologiques ne peuvent prétendre à être des foyers d’enseignement illustrés par toutes les lumières scientifiques d’un siècle. Ils ne feront jamais concurrence au Muséum d’histoire naturelle de Paris, que protège dans un grand pays le pouvoir central. Ces établissements ont néanmoins une place à prendre : qu’ils propagent la connaissance des animaux, qu’ils rendent la science, attrayante en la dépouillant de sa gravité morose, rien de mieux, mais là ne devrait point s’arrêter l’ambition de ceux qui les dirigent. Le jardin zoologique d’Anvers, les établissements analogues de Gand, de Bruxelles, n’ont jusqu’ici qu’une valeur de curiosité ; ils pourraient s’élever au rang d’institutions utiles. Nous avons dit ce qu’ils sont ; il faut dire maintenant ce qu’ils devraient être.

II.

La véritable destination des jardins zoologiques serait de servir de théâtre aux faits et aux expériences d’histoire naturelle. La recherche des lois en vertu desquelles les animaux passent de l’état sauvage à l’état domestique, les essais d’acclimatation ; le perfectionnement des races conquises et l’éducation de celles qui restent à conquérir, tel est, selon nous, le champ d’études pratiques dans lequel les jardins zoologiques devraient circonscrire leur enseignement. Comme dans cette voie le passé est destiné à éclairer l’avenir, il conviendrait d’abord de rassembler les faits qui constituent, pour