Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/708

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ces animaux. Là n’est point l’obstacle. Il y a des exemples de lions, de tigres, d’ours, de loups, de renards, fort traitables et même complètement apprivoisés. La hyène, qui est en général un objet d’aversion, la hyène que les naturalistes du dernier siècle avaient peinte sous des couleurs si sombres, la hyène, dis-je, est déjà passée à l’état d’animal domestique dans une grande partie du continent africain, où elle rend les services du chien le plus fidèle et le plus attaché à son maître. L’éducation de la race féline est commencée : je ne parle pas du chat, cet hôte inconstant de nos demeures, qui n’a jamais voulu renoncer à son indépendance ; je parle du guépard, dont la ménagerie d’Anvers possède un exemplaire, et qui dément par ses mœurs les préjugés vulgaires touchant la cruauté du tigre. Bon et docile dans l’état de liberté, il suit les seigneurs indiens à la chasse ; prisonnier, il touche ses geôliers eux-mêmes par la douceur de son caractère. Il est vrai que le guépard présente quelques différences organiques avec les autres feles. La partie antérieure du cerveau est plus élevée, et ses ongles non rétractiles sont autrement conformés que ceux du tigre ; mais on se demande si ces caractères spécifiques sont fournis par la nature ou créés par l’éducation. C’est un champ de conjectures que je ne veux point ouvrir ; il nous suffira de savoir qu’au sein des familles zoologiques qui passent pour les plus redoutables se rencontrent des animaux très susceptibles de subir l’influence de l’homme. Il n’y a point de bêtes féroces, en ce sens qu’il n’y a point d’animaux, au moins parmi les mammifères, incapables d’attachement et de reconnaissance. C’est même une loi connue des naturalistes que chez la brute, comme chez l’homme, la bonté est un fruit du développement de l’intelligence. Les animaux qui se montrent les plus capables d’affection et de bons rapports avec nous ne sont pas ceux que la nature a le moins pourvus de moyens d’attaque ; ce sont ceux qu’elle a doués de plus d’esprit. Le caractère plus ou moins dangereux des animaux est si peu en rapport avec leur régime alimentaire, ou même avec la force de destruction dont ils sont doués, que la plupart des herbivores sont en général des êtres farouches, grossiers, et dont l’apparente douceur est souvent suivie d’un acte de brutalité. Il a fallu plus de patience, plus de courage, plus de travail, pour dompter le cheval et le taureau, qu’il n’en eût fallu à l’homme pour conquérir la plus terrible des espèces carnivores, et si l’industrie agricole s’est adressée de préférence aux ruminants et aux solipèdes, c’est uniquement parce qu’elle y a vu une utilité plus immédiate.

Cet obstacle écarté comme imaginaire, que reste-t-il ? Il reste la difficulté d’acclimatation. La plupart des carnassiers, parmi lesquels les sociétés européennes pourraient recruter de nouveaux auxiliaires,