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craintes exprimées par quelques naturalistes sur l’avenir de certaines espèces sauvages ne manquent point de fondement, s’il est vrai que les faits donnent à ces appréciations une valeur de probabilité, il faut ou accuser la nature d’imprévoyance, ou conclure que tous les animaux sont destinés à devenir domestiques, et la perpétuité de leur existence sur le globe ne pourra être assurée qu’à cette condition.

La conquête des races exotiques, cette œuvre de conservation et de prévoyance, fait des progrès insensibles, mais sûrs. Hier le kangourou était à peine connu ; aujourd’hui on peut déjà fonder des espérances sérieuses sur la naturalisation de cet animal dans nos climats. Des naissances de marsupiaux ont été obtenues par quelques établissements d’histoire naturelle. Il serait intéressant pour la science d’observer dans quelle proportion la domesticité modifierait chez nous les mœurs du didelphe. C’est une loi que les parties du monde à situation excentrique donnent naissance à un règne animal extraordinaire. Si cette loi géographique est aussi bien appuyée sur les faits que nous le croyons, si les êtres organisés sont en quelque sorte les puissances animées des régions où ils ont reçu le jour et où ils continuent de vivre ; si, sur l’inspection de leurs caractères extérieurs et de leurs habitudes, on peut se faire une idée du pays dont ils sont originaires, quiconque voit le kangourou a pour ainsi dire vu l’Australie. Cet animal qui saute plutôt qu’il ne marche, dont l’attitude est très souvent verticale, et auquel la queue, quand il se tient debout, sert de pilier, cet animal est calqué sur les circonstances topographiques au milieu desquelles il vit. Sa grande taille, la force considérable de ses membres postérieurs, les bonds de douze à vingt pieds de haut qu’il exécute avec aisance, tout annonce une contrée où, comme le rapportent les voyageurs, croissent de distance en distance d’énormes touffes d’herbe, et où la vue s’élance de roc en roc, de buisson en buisson. Quelques naturalistes anglais ont affirmé que les kangourous, élevés et domestiqués depuis longtemps sur les côtes de l’Australie, avaient perdu dans cette nouvelle manière de vivre leur allure saccadée, que l’élévation et la force de leur taille avait diminué, et qu’ils faisaient plus fréquemment usage de leurs quatre pattes pour courir. Si ces faits étaient confirmés sous nos yeux par l’expérience, ils éclaireraient une question d’histoire naturelle restée jusqu’ici fort obscure : quel est le degré d’influence exercé par les circonstances extérieures sur l’organisation et les mœurs des êtres vivants ?

Si des mammifères nous passons aux oiseaux, ici encore nous trouverons que la main de l’homme a été beaucoup trop économe de ses conquêtes. Au moyen âge, alors que la société était fondée sur