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n’aient point été heureux, des physiologistes parmi les plus éminents n’ont point perdu l’espoir de réussir un jour. Substituer la main de l’homme aux actes de la nature, ce n’est point seulement pour la science une conquête d’amour-propre, c’est avant tout une conquête d’utilité. Grâce à cette invention toute récente, on commence déjà à repeupler nos étangs, et par suite nos rivières, que menaçait de solitude le mouvement de la navigation à la vapeur. Cet art pourrait être d’un grand secours, appliqué à des essais de conquête sur les nombreuses familles que nourrissent les eaux de l’Afrique, de l’Asie et du Nouveau-Monde. S’en tenir aux poissons que le hasard du climat a mis à portée de nos filets, c’est agir à la façon du sauvage pour lequel il n’y a de fruits et d’animaux que ceux de sa contrée ; le propre de l’homme civilisé au contraire, c’est de forcer la main parcimonieuse de la nature en substituant à la distribution originelle des êtres une distribution motivée par les besoins économiques des sociétés.

Nous venons d’indiquer les services que les jardins zoologiques pourraient rendre en devenant des écoles d’acclimatation. Conquérir des espèces nouvelles, c’est un noble motif d’émulation ; mais une œuvre non moins utile serait le perfectionnement des anciennes espèces domestiques. Il y a un art qui consiste à modifier les races. C’est même à cet art que la Grande-Bretagne doit une partie de ses richesses. Quoique le germe du chien, du bœuf, du cheval, du mouton, du porc, de la chèvre, de la poule, se retrouve dans la nature, on peut dire que ces animaux sont de création humaine. Une lente action économique a changé leurs rapports, leurs mœurs, les lois de leur fécondité naturelle ; elle a même produit chez eux des formes inattendues qui se rapportent à un nouvel ordre d’utilité. Voyez par exemple la race des bœufs de Durham : l’Angleterre a marqué sur ces animaux, comme sur ses autres ouvrages, les traits d’une agriculture et d’une industrie puissantes. Les cornes de ces ruminants étaient inutiles à l’alimentation : l’Anglais a supprimé les cornes ; il a développé les parties charnues du bœuf aux dépens de la charpente osseuse ; il a cultivé les parties délicates que convoite notre gourmandise, et grâce à cet incessant travail de la volonté, il a fait des animaux que la nature n’avait point soupçonnés. Le développement des autres espèces alimentaires a été poussé avec non moins d’ardeur, de telle sorte qu’en augmentant le volume et la qualité de ses anciens animaux domestiques, la Grande-Bretagne a augmenté ses ressources sans recourir à de nouvelles conquêtes sur l’état sauvage. Que dire de l’éducation du cheval ? Cet animal farouche et borné qui, chez les peuples primitifs, s’applique seulement aux exercices de la guerre, les Anglais se le sont complètement