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que sont ces garanties en elles-mêmes ? Elles sont, qu’on nous passe le terme^ le sommaire d’un livre qui reste à écrire ; ce sont des principes généraux qu’il s’agit d’interpréter, de commenter, et dont l’interprétation peut varier étrangement suivant les circonstances. La Prusse, qui se rattache aujourd’hui avec une ardeur si nouvelle à ces garanties, est-elle en mesure de dire comment les entendrait la Russie, comment elle les entend elle-même ? Si l’Autriche, pour sa part, a une interprétation à donner de ces conditions, il n’est point douteux que ce ne sera point celle de la Russie et de la Prusse ; ce sera plutôt celle des puissances avec qui elle les a stipulées. Quant à un engagement nouveau de la part de l’Autriche de garder indéfiniment dans les principautés une position strictement défensive vis-à-vis de la Russie, la réponse, ce nous semble, est dans toutes les communications diplomatiques du cabinet de Vienne depuis deux mois.

C’est ainsi que la Prusse arrive toujours trop tard. Il faudrait bien cependant dégager le dernier mot de tous ces faux-fuyans de la politique prussienne. L’empereur Nicolas acceptât-il aujourd’hui les conditions du 8 août, dans le cas où les puissances occidentales ne les trouveraient plus suffisantes, comme cela est fort probable, la Prusse se rangerait-elle du côté de la Russie ? Elle se croira fondée, dira-t-on, à se renfermer plus que jamais dans la neutralité, et c’est là peut-être le grand mot de l’énigme. Soit donc, la lutte continuera entre les puissances occidentales et la Russie, et la Prusse restera neutre ; mais comme le cabinet de Berlin a solennellement déclaré dès l’origine que les intérêts de l’Allemagne étaient engagés dans la guerre actuelle, si à la paix il n’est point tenu compte de ces intérêts, la Prusse se résignera-t-elle, ou bien songera-t-elle alors à couvrir de son épée ce qui ne vaut point aujourd’hui à ses yeux une active intervention ? Telles sont les dernières conséquences de la politique prussienne : elle aboutit à un non-sens ou à une véritable abdication du rôle d’une puissance sérieuse. C’est en quoi justement la politique autrichienne diffère de la politique de la Prusse. L’Autriche a maintenu sa liberté d’action, son droit d’intervenir ; il lui reste à user plus complètement de ce droit et de cette liberté. Ce n’est point seulement son intérêt, c’est l’intérêt de l’Allemagne tout entière, qui marchera là où elle apercevra une pensée résolue. On a vu récemment ce qu’a produit un peu de décision du cabinet de Vienne : la plupart des états secondaires se montraient disposés à suivre l’Autriche. Un moment d’incertitude ne ferait aujourd’hui que rejeter l’Allemagne dans ses fluctuations, en la livrant aux directions et aux conseils vulgaires.

La question est nettement posée aujourd’hui au-delà du Rhin entre ceux qui ne veulent rien faire, prêtant ainsi indirectement leur appui à la politique russe, et ceux qui veulent assurer à l’Allemagne un rôle digne d’une grande puissance dans les complications actuelles. Cette question, c’est le cabinet de Vienne seul qui peut la résoudre, et nous doutons fort que les récentes pérégrinations diplomatiques du premier ministre de Saxe et du premier ministre de Bavière puissent avoir une bien sérieuse influence. N’importe, M. de Beust et M. von der Pfordten, pour peu qu’on se veuille prêter à leur illusion, n’en sont pas moins depuis quelque temps les deux Atlas de la politique allemande, ils se sont de leur chef institués les messagers de toute sorte de combinaisons, cachant dans leur portefeuille la paix et