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l’aurait envoyée probablement sur les bords du Danube et de la Theiss grossir le troupeau de ses femmes ; mais Genséric ne lui accorda pas un regard. Il eut soin de marier, dès son débarquement à Carthage, l’aînée des deux princesses à son fils Hunéric, qui devait être son successeur ; puis il calcula par quel moyen il obtiendrait des Romains la dot de sa bru et le rachat des deux autres. En vertu du principe que le bien de l’esclave est la chose du maître, il se mit à réclamer aussi les propriétés d’Aétius au nom de Gaudentius, son captif. Entrant en pourparlers, d’un côté, avec le sénat de Rome, de l’autre avec l’empereur d’Orient, il déclara que si on ne lui restituait pas sans délai ce qu’on lui retenait, disait-il, il irait le chercher lui-même, l’épée et la torche en main, dans tous les ports de l’Italie et de la Grèce. Payer au Barbare cette sorte de tribut ou le lui refuser en laissant entre ses mains l’impératrice et sa fille non mariée étaient deux actes d’une égale ignominie : l’Italie préféra le second, qui la vengeait du moins d’Eudoxie ; mais l’héritier du trône d’Orient ne put rester insensible au malheur de la postérité de Théodose. Il essaya tout pour obtenir par des voies amiables la liberté des princesses : il offrit à Genséric son amitié et la paix, il le menaça d’une expédition en Afrique ; mais avances ou menaces, rien ne toucha le Vandale : « Que nous fassions la paix ou la guerre, répondait-il imperturbablement, il me faut la dot de ma belle-fille et la rançon des deux autres. »

Ces débats durèrent sept ans, et ce furent sept années de désastres pour le commerce du monde entier. Enfin une nouvelle combinaison, sortie du génie de Genséric, mit fin à la captivité d’Eudoxie et de sa seconde fille. Celle-ci, lorsqu’elle habitait encore la maison de son père et qu’elle n’était qu’un enfant, avait été fiancée à un jeune Romain de l’illustre maison des Anices, nommé Olybrius. Rien n’égalait en noblesse cette fière maison Anicia, de qui l’on avait pu dire qu’en prenant au hasard parmi ses membres, on trouvait toujours un consul ; mais la bravoure n’était plus au Ve siècle l’attribut des noms patriciens, et quand les troupes vandales entrèrent dans Rome, Olybrius, au lieu de protéger sa fiancée ou de partager les infortunes de cette famille qui allait être la sienne, quitta la ville et s’enfuit à Constantinople. Il paraît pourtant qu’ils s’aimaient, et Placidie garda en Afrique un souvenir fidèle de son fiancé. Confident de cet amour, Genséric se mit en relation avec Olybrius et le prit pour intermédiaire des réclamations qu’il adressait à l’empereur Léon, lui promettant la liberté et la main de Placidie, si, par ses bons offices, il rentrait en possession des biens de la sœur. Olybrius s’employa tout entier à cette négociation, qui réussit par son entremise. On liquida ce qui restait de la succession de Valentinien III et