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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mai 1861.

Nous sommes contraints de répéter une plainte que nous avons déjà exprimée depuis le commencement de la session des chambres françaises : nous ne comprenons point l’indolence avec laquelle se traîne chez nous cette année la vie parlementaire. Il nous avait semblé que la session qui suivait le décret du 24 novembre 1860 devait être marquée par une activité particulière. Ne s’agissait-il pas de l’inauguration d’un nouveau régime ? N’y avait-il pas, dans les nouveaux développemens donnés ou promis à la vie constitutionnelle, de quoi stimuler l’émulation des membres de nos assemblées ? Il y a un contraste pénible, et dont l’opinion en France est frappée chaque jour, entre le retentissement des délibérations des grandes assemblées de l’Europe et le silence singulier de notre corps législatif. Voilà le parlement d’Angleterre. On y parle à tout moment des grandes questions qui préoccupent le monde, de celles même qui nous intéressent au premier chef. Affaires d’Italie, d’Amérique, d’Autriche, d’Orient, de Syrie, les explications échangées à la chambre des lords et à la chambre des communes les parcourent tour à tour, et fournissent à la curiosité ou à l’anxiété du public européen la mesure d’éclaircissemens nécessaire. Nos chambres se taisant, c’est sur le marché anglais que nous sommes obligés d’aller chercher ces produits de la libre discussion dont les intérêts de nos sociétés industrielles ont besoin pour se conduire, et qui sont une des conditions essentielles de la sécurité des esprits.

Nous avons eu, depuis un mois, un singulier exemple de l’infériorité que nous subissons à cet égard. Pour nous faire croire à la durée de la paix, il a fallu que lord Palmerston nous garantît pour une année contre les périls de guerre. Nous ne voulions pas nous fier à notre propre jugement, nous ne voulions pas nous laisser rassurer par des déclarations semi-officielles sorties de notre propre terroir ; mais aussitôt que le premier ministre anglais a eu prophétisé la paix, un prodigieux fiât lux s’est accompli, les intérêts financiers et commerciaux ont repris confiance sur le continent, et