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la prévision de la note turque du 27 juillet 1860, que l’expédition de Syrie allait exciter le fanatisme musulman et créer de nouveaux troubles. Lord John Russell à Londres, sir Henri Bulwer à Constantinople le croyaient et le disaient. L’expérience a montré et les dépêches des agens anglais ont confirmé que notre expédition avait étouffé le fanatisme au lieu de l’enflammer, et nous avons entendu M. Brant déclarer avec sa parole consciencieuse qu’une occupation temporaire de la Syrie par des troupes européennes était la seule manière de contenir le fanatisme musulman.


III

Voyons maintenant ce qu’il faut croire, toujours d’après les documens anglais, de l’assurance qu’exprime la Porte, dans cette note du 27 juillet 1860, en disant qu’elle est assez puissante pour réprimer les désordres. Cette note du 27 juillet est importante parce qu’elle est le point de départ de l’évacuation. La note turque voulait empêcher l’expédition, et elle l’eût empêchée au mois de juillet 1860, si l’Angleterre l’eût contre-signée à cette époque. La différence entre 1860 et 1861, c’est que l’Angleterre a contre-signe en 1861 la note turque de 1860. De là l’évacuation actuelle.

L’Angleterre a-t-elle cru et croit-elle que la Porte est assez puissante pour réprimer les désordres ? Je ne reprends pas ici la dépêche de lord John Russell du 1er août 1860, quand il disait si bien à sir H. Bulwer que la Porte « avait manqué de pouvoir ou de volonté, et que dans les deux cas le manque de sécurité pour la vie et la propriété des chrétiens était égal. » Cependant ce terrible dilemme revient sans cesse à l’esprit pendant la lecture des documens anglais. Les autorités turques en Syrie veulent-elles et peuvent-elles réprimer les désordres, s’il en éclate de nouveaux ? Peuvent-elles et veulent-elles même punir tous les coupables ? Les agens anglais doutent tantôt du pouvoir et tantôt de la volonté. Fuad-Pacha fait fusiller à Damas Achmet-Pacha, qui a laissé faire les massacres ; mais à Beyrouth il ne suspend même pas de ses fonctions Khourshid-Pacha, gouverneur de Beyrouth, qui a laissé faire sous ses yeux les massacres de Deïr-el-Kamar. Il faut que le vice-amiral anglais Martin arrive à Beyrouth sur le Marlborough, et qu’appuyant les représentations du consul-général d’Angleterre, M. Moore, il parle à Fuad-Pacha avec cette décision péremptoire qui appartient aux marins pour obtenir l’éloignement de Khourshid-Pacha. Pendant les troubles et les massacres, est-ce que les gouverneurs turcs n’avaient pas assez de troupes régulières à leur disposition ? M. le consul-général