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LA
CAMPAGNE DE 1815

LES HISTORIENS DE L’EMPIRE.

première partie.

I. — LA FATALITÉ.


Celui-là, rendrait à la raison publique un véritable service, qui, sans crainte, sans éblouissement et sans colère, rétablirait la logique et l’enchaînement des choses dans l’histoire de Napoléon. Nous avons tant de goût pour la fable que nous ajoutons des merveilles aux événemens merveilleux. Nous aimons tant la force que nous sommes toujours prêts à l’assister, à l’augmenter des pouvoirs de notre imagination. Tout homme qui a courbé les autres sous sa main traîne après lui une légende qui le grandit par-delà les limites de la nature humaine, soit que nous pensions que, pour nous faire courber la tête, il faille absolument des demi-dieux, soit que nous soyons si naturellement courtisans que notre fantaisie s’exalte à la seule vue du plus fort. Nous lui prêtons à l’envi le secours de notre crédulité et de nos superstitions.

Napoléon nous connaissait bien lorsqu’en racontant ses prospérités ou ses revers, il ne parlait jamais que d’étoile, de destin, de coups de foudre, comme s’il s’agissait non d’une histoire arrivée sous nos yeux, mais d’un monde supérieur, où notre raison n’a rien à démêler. Ce langage, plus conforme à l’antiquité païenne qu’à notre époque de critique et de philosophie, nous l’avons conservé. Et quelle peine n’avons-nous pas à nous en délivrer ! Pour les autres