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Une reconnaissance rapide en avant de la plaine de Saint-Denis lui avait appris que la position ne pouvait être emportée de ce côté de la Seine qu’après une bataille. Vaincre l’armée française retranchée dans ses lignes était difficile, et un échec suffirait pour détruire tous les résultats inespérés de la campagne ; mais si la rive droite de la Seine présentait de tels obstacles, on savait que la rive gauche était sans défense ; probablement on n’y rencontrerait que des détachemens isolés. L’apparition soudaine de l’armée prussienne sur ce point, où elle n’était pas attendue, achèverait de consterner les habitans, et l’on entrerait à l’improviste au cœur de la capitale par le défaut de la cuirasse.

Sans doute c’était là une témérité insigne de se porter au-delà d’un grand fleuve en laissant ses alliés sur l’autre bord. On risquait d’être détruits successivement, sans pouvoir se rallier ; mais l’audace avait réussi jusque-là : pourquoi y renoncerait-on, si près de toucher le but ? Les Anglais masqueront le mouvement devant les lignes de Saint-Denis et de Montmartre, pendant que les Prussiens déboucheront par les deux ponts de Saint-Germain et de Maisons, dont on vient justement de s’emparer. Ce plan à peine conçu, on commence à l’exécuter ; mais l’expérience ne tarda pas à montrer combien il eût pu coûter cher à l’ennemi.

Le soir du 30 juin et dans la nuit, le 1er et le 3e corps prussiens se mirent en marche pour Saint-Germain, l’un par Blancménil et Aulnay, l’autre par Gonesse et Argenteuil. Le 4e corps resta en position au Bourget, avec ses avant-postes à Stains et Aubervilliers. L’armée anglaise avait sa droite sur les hauteurs de Richebourg, sa gauche au bois de Bondy. La hâte de Blücher était si grande qu’il aventura le colonel de Sohr avec deux régimens de cavalerie légère pour le précéder jusque sur la route d’Orléans. Le général prussien comptait sans doute que l’arrivée de ces éclaireurs dans une direction si éloignée, coupant à la fois les communications avec la Normandie et la Loire, ferait tomber tous les projets de défense. Le colonel de Sohr, après avoir passé la Seine à Saint-Germain, bivaqua à Marly ; le lendemain, n’apercevant aucun obstacle, il se hasarda plus loin : à midi, il occupait Versailles.

Cependant un mouvement si téméraire n’avait pu échapper aux Français. Exelmans, qui avec Vandamme couvrait le sud de Paris, ayant appris que des hussards prussiens s’étaient jetés sur Versailles, résolut de les enlever. Avec les 5e, 15e, 20e dragons et le 6e de hussards, il marche par Montrouge et Plessis-Piquet. En même temps la cavalerie légère de Pire, avec le 44e régiment d’infanterie, est détachée par Sèvres sur les flancs et les derrières de la brigade prussienne. Dans l’après-midi du 1er juillet, de Sohr rencontre les