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les passions ? Les recherches patientes ne satisfont que les esprits sagaces qui veulent pénétrer au fond des choses, et sont un aliment médiocre pour la curiosité du plus grand nombre. Un inventeur n’excite quelque attention qu’autant qu’il flatte l’imagination en promettant des résultats exagérés. Naviguer à la hauteur des nuages, flotter dans l’air, quel rêve féerique ! Quel fantastique avenir que celui qui nous est promis par une découverte de ce genre ! Autre motif pour réussir, la plaisanterie trouve son compte en ces banales utopies aussi bien que l’imagination. Voler comme l’oiseau, pour les uns c’est la satisfaction d’un souhait téméraire, pour d’autres c’est un moyen d’éluder quelques exigences de notre état social, et par exemple de franchir sans encombre les lignes douanières les mieux surveillées.

Pendant la dernière période d’engouement qu’on a vu se produire en faveur de l’aérostation, l’histoire de cette découverte et des premiers voyages aériens a été racontée dans la Revue[1]. Il n’est pas inutile cependant de rappeler les débuts de la navigation aérienne en complétant le récit des ascensions anciennes par celui des ascensions plus récentes qui ont eu un caractère scientifique. Il sera bon ensuite de nous rendre compte des effets obtenus par l’emploi des ballons considérés comme agens de transport avant d’arriver à l’exposé de la navigation aérienne par l’hélice, que l’on propose aujourd’hui comme une découverte promise à un brillant avenir.


I

Presque tous les écrivains qui se sont occupés de l’origine des aérostats ne font remonter qu’à la fin du XVIIIe siècle les premiers essais de locomotion aérienne. L’invention des ballons date d’une époque plus éloignée. Dans les dernières années du XVIIe siècle vivait en Portugal un certain Gusmao, qui fit de brillantes études chez les pères de la compagnie de Jésus, et s’adonna surtout aux sciences physiques. Comme Galilée, qui découvrit les lois du pendule envoyant osciller un lustre dans une église, comme Newton, à qui la chute d’une pomme révéla les mystères de la gravitation, le jeune savant était sans doute un observateur patient et curieux. Un jour, de sa fenêtre, qui donnait sur un jardin, il vit un corps sphérique très léger, peut-être une bulle de savon, qui flottait dans les airs. Gusmao voulut produire en grand ce phénomène. Il construisit sans trop de succès un premier ballon qui voltigeait à peine, puis il

  1. Voyez, dans la Revue du 1er octobre 1850, une étude sur les Aérostats et les Aéronautes.