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servir d’asile aux perturbateurs de tous les pays. La réponse du duc de Broglie fut nette et péremptoire ; aucune des trois cours, même celle de Russie, ne poussa plus loin sa tentative. Les beaux jours des congrès de Laybach et de Vérone étaient passés. Cet incident, connu dans l’histoire diplomatique sous le nom de conférences de München-Grœtz, n’a été révélé qu’après la révolution de février[1]. Il avait cependant son prix, puisqu’il marquait la fin de la sainte alliance. Le nouveau gouvernement durait depuis trois ans, il avait eu le temps de réorganiser son armée et ses finances, et il pouvait prendre le ton haut.

On l’avait déjà vu à propos de la Belgique, on le vit mieux encore à propos de l’Espagne. Ferdinand VII mourut au commencement d’octobre 1833. Le gouvernement français reconnut sur-le-champ la reine Isabelle, qui, dans la lutte engagée pour la succession, représentait les idées libérales et constitutionnelles ; les trois cours du Nord prirent parti pour don Carlos, qui représentait l’ancien absolutisme, et rappelèrent de Madrid leurs ambassadeurs. Après dix ans de rudes épreuves, où le gouvernement constitutionnel espagnol aurait probablement succombé, s’il n’avait trouvé au-delà des Pyrénées un appui persévérant, ce gouvernement a fini par se consolider ; en Espagne comme en Belgique, il a duré plus qu’en France même ; en Espagne comme en Belgique, il a produit une explosion de prospérité qui frappe tous les yeux. C’est à l’attitude prise à l’origine par le ministère du 11 octobre que doit remonter le principal honneur de cette fondation difficile, sans qu’il y ait eu de notre part une seule goutte de sang versée.

Le recueil des Écrits et Discours ne contient aucune mention de ces événemens ; il se borne à reproduire un discours prononcé par M. le duc de Broglie, comme ministre des affaires étrangères, le 18 mai 1833, sur le projet de loi relatif à la garantie de l’emprunt grec. Ce n’est pas en effet par des discours, mais par des actes,

  1. Voyez, dans la Revue des Deux Mondes du 1er octobre 1848, l’étude de M. le comte d’Haussonville sur la Politique extérieure de la France depuis 1830. M. d’Haussonville cite le passage suivant de la circulaire écrite par M. le duc de Broglie à tous nos agens à l’étranger : « J’ai cru que ma réponse aux trois envoyés devait être conforme à la couleur que chacun d’eux avait donnée à sa communication. De même que j’avais parlé à M. de Hügel (le ministre d’Autriche) un langage raide et haut, je me suis montré bienveiliant et amical à l’égard de la Prusse, un peu dédaigneux envers le cabinet de Saint-Pétersbourg. Ce qui a dû ressortir clairement de mes paroles pour mes trois interlocuteurs, c’est que nous sommes décidés à ne tolérer l’expression d’aucun doute injurieux sur nos intentions, que les insinuations et les reproches seraient également Impuissans à nous faire dévier d’une ligne de conduite avouée par la politique et par la loyauté, et qu’en dépit de menaces plus ou moins déguisées nous ferons en toute occurrence ce que nous croirons conforme à nos intérêts. »