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avantageuses ; mais toutes les idées étaient alors tournées vers les coulies de l’Inde, qui jusqu’en 1856 alimentèrent seuls l’émigration aux deux îles. Hommes, femmes et enfans, il en arriva pendant ces trois ans 5,000, qui furent répartis entre la Martinique et la Guadeloupe. L’opinion devenait de plus en plus favorable à l’emploi de ces travailleurs étrangers, auxquels, à partir de 1857, vinrent se joindre des noirs importés de la côte d’Afrique, si bien qu’au 1er janvier 1861 la Guadeloupe avait reçu 14,347 émigrans, dont 6,363 Africains, et la Martinique 14,496, dont 5,621 Africains. Mentionnons également pour mémoire une introduction de Chinois (428 à la Guadeloupe, 979 à la Martinique), qui, sans être abandonnée en principe, semble néanmoins trop onéreuse pour donner de longtemps des résultats numériques comparables aux deux autres sources d’immigration.

Voilà donc une première période de huit ans, suffisante à la rigueur pour apprécier les mouvemens en divers sens de cette population sur le nouveau théâtre de ses travaux. Or à la Martinique, où cette statistique a été tenue avec plus de soin qu’à la Guadeloupe, nous voyons que dans ce laps de temps le total des décédés a été de 2,883, dont 1,672 Indiens. Ce serait une perte de 18,3 pour 100, laquelle, en tenant compte de la durée de séjour de chaque convoi, donnerait une moyenne de décès annuelle de 6,16 pour 100 pour l’ensemble des émigrans, de 10,5 pour 100 pour les Africains, de 5,1 pour 100 pour les Indiens, et de 5,8 pour 100 pour les Chinois. On peut prendre pour double terme de comparaison la même moyenne annuelle, qui est de 3 pour 100 pour la population générale de l’île, et de 10 à 12 pour 100 pour les troupes de la garnison. Il est impossible de ne pas être frappé au premier abord de la grande différence qui ressort de ces chiffres entre les deux principaux élémens de l’émigration. Malheureusement les résultats observés à la Guadeloupe ne confirment que trop cet excès de mortalité chez les Africains : en quatre ans et demi, il s’y sont vus réduits de 6,363 à 4,642, ce qui, toujours en tenant compte des différences de séjour, donnerait un déchet annuel de 13,5 pour 100. Il est probable en somme que dans les deux colonies la moyenne annuelle des décès africains est de 10 pour 100, c’est-à-dire double de celle des décès indiens, et le fait est important à noter. C’est avec intention que je n’ai pas parlé des naissances dans ce mouvement de population à cause de la position anormale où se trouvent les émigrans à cet égard et de la disproportion des sexes. Toutefois peut-être n’est-il pas inutile de dire que cette source d’accroissement a été, en moyenne annuelle, pour les Indiens de 1,14 pour 100, et pour les Africains de 0,30 pour 100.