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rir le feu de son esprit ; traversant les abstractions métaphysiques, il cherchait les idées sous les mots et brisait la chaîne des raisonnemens sophistiques et mal fondés, pour interroger curieusement l’expérience et ne céder qu’à elle seule. Ses maîtres au contraire, enveloppant leur intelligence dans la vague obscurité d’une doctrine qu’ils croyaient fixée à jamais, regardaient comme impossible d’inventer et de perfectionner. Aristote était pour eux un esprit divin et au-dessus de l’humanité, presque une idole ; ils ne s’assuraient qu’en lui seul ; ses écrits, toujours lus et toujours cités, renfermaient la perfection de la science et la plénitude des connaissances humaines. La complète intelligence de son texte était le but où l’on devait tendre et le moyen de se faire un grand nom. Sur les vaines hauteurs où ils se croyaient élevés, les esprits, plongés dans un repos qui semblait un sommeil, demeuraient indifférens aux sujets négligés par le maître, et nul n’osait résoudre ce qu’il n’avait pas tranché.

Galilée cependant, tourmenté déjà des grands secrets de la nature, élevait plus haut son esprit et rêvait de nouvelles conquêtes ; révolté par la stérile tyrannie sous laquelle succombait la raison, il osait signaler irrespectueusement les incertitudes du péripatétisme et en attaquer hautement les chimères : sa libre et judicieuse critique était traitée de folle arrogance et semblait presque un sacrilège. Les péripatéticiens à outrance, se piquant de mépriser les objections, tenaient à honneur de n’y pas répondre ; ils ne consentaient pas même toujours à les écouter, et le dédain outrageux des plus indulgens, regardant l’opposition du jeune philosophe comme le vain prétexte d’un écolier paresseux, ne voulait voir dans la vivacité de son esprit que la présomptueuse singularité d’un indocile ergoteur.

Lorsque Galilée revint à Florence, à l’âge de vingt-deux ans, le hasard le fit assister à une leçon de géométrie. Là enfin il entendit des vérités claires et précises, établies par des raisonnemens nets et intelligibles ; comprenant alors que les mathématiques et non la logique enseignent l’art de raisonner, il s’y adonna avec une forte et exclusive application et fit de rapides progrès.

Vincent Galilée avait d’autres vues sur l’avenir de son fils ; il essaya de lutter, mais il avait trop de science et de jugement pour méconnaître et pour combattre longtemps une vocation aussi prononcée, et lorsque le jeune Galilée, ayant découvert d’élégans théorèmes sur les centres de gravité, reçut des juges les plus célèbres des marques flatteuses d’estime et d’admiration, son père se rendit de bonne grâce et sans regret.

Dans ses premiers travaux, Galilée se montrait l’élève d’Archi-