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tion, dit-il, excluant toute nature changeante, la lumière qui réside en lui comme dans sa source doit subsister dans son intégrité et son éclat, sans jamais souffrir de déclin. » Galilée se borne à prouver que les taches s’engendrent et se dissolvent continuellement comme les nuages au-dessus de nos têtes, et que ceux-ci, si la terre était lumineuse, pourraient arrêter les rayons et produire pour un observateur éloigné des apparences à peu près semblables. Fabricius, dans l’ouvrage publié en 1611 à Wittemberg, était arrivé aux mêmes conclusions. Il admet la rotation du soleil, dont le mouvement des taches est la preuve. L’importante découverte lui appartient donc sans contestation possible ; mais Képler l’avait devinée, et Galilée, sans la publier, l’avait faite à la même époque, vraisemblablement même quelques mois plus tôt.

De retour à Florence et sans abandonner l’astronomie, Galilée s’occupa, à la demande du grand-duc, de la question, déjà traitée par Archimède, de l’équilibre des corps flottans. Dans l’ouvrage qu’il publia, la puissance de son génie se montre sous une face nouvelle. S’écartant complètement de la méthode expérimentale, il ne demande plus aux expériences la solidité et la consistance des principes, et c’est au nom d’une loi générale admise à priori qu’il démontre et qu’il prévoit au contraire les résultats nécessaires de l’expérience. Cette loi très heureusement se trouve vraie, et n’est autre que le célèbre principe des vitesses virtuelles. Galilée en avait deviné depuis longtemps l’énoncé et la portée. À Padoue déjà et dans l’arsenal de Venise, en présence de puissantes machines à l’aide desquelles la faiblesse produit les effets de la force, il avait compris que l’on peut transformer, mais non créer la puissance motrice, et qu’aucune invention ne réussit à tromper la nature. Dans un traité publié pour la première fois en français par le père Mersenne en 1632, il affirme formellement qu’un grand ouvrage exige nécessairement un grand travail, et qu’une petite force, quoi qu’on fasse, ne peut produire que de petits effets. Cette vérité fondamentale est exposée par lui en termes formels. Dans le traité des corps flottans, il invoque le même principe, et l’application ingénieuse qu’il en fait montre toute la géométrie de son esprit. Lagrange, deux cents ans plus tard, devait suivre les mêmes traces. Le principe de son immortel ouvrage sur la mécanique analytique est précisément celui de Galilée, auquel il ajoute de profonds et brillans développemens ; mais ces méthodes, en rattachant tous les phénomènes à un principe éloigné, ne donnent, il faut l’avouer, que de vagues clartés sur les causes prochaines et sensibles. Aujourd’hui même que les progrès de la science ont rendu cette règle unique et universelle aussi solide qu’elle est haute et importante par les con-