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être jugé sur pièces, par-devant le public européen, à l’aide de témoignages irrécusables, car dans ce grand procès tous les intéressés étaient appelés à comparaître avec les produits de leurs usines, C’était là une tâche difficile en même temps qu’une grave responsabilité pour la commission française, qui devait non-seulement concourir à la distribution des récompenses, mais encore prononcer un jugement entre les industries rivales, étudier les forces productives de chaque pays, et pressentir les destinées que la réforme économique réservait aux manufactures nationales. La commission, présidée par M. Michel Chevalier, n’a point failli à cette tâche, et la collection de ses rapports est un véritable monument de science et de pratique industrielles dont une éloquente introduction forme le frontispice : monument élevé à l’honneur de notre génération laborieuse et libérale, et surtout, disons-le tout de suite, à l’honneur de l’industrie française, dont cette dernière épreuve a consacré les ressources et la vitalité[1]. Fidèles au programme qui leur avait été tracé, les rapporteurs ne se sont point contentés de signaler les merveilleux perfectionnemens réalisés, à l’étranger comme en France, dans les diverses branches de travail, et de montrer à quel point, sous l’influence incontestable des expositions universelles, et par le grand courant d’émulation qui s’est répandu sur toute la surface du globe, la production générale s’est améliorée et multipliée ; ils ont saisi l’occasion d’étudier les lois et jusqu’aux simples règlemens qui président à la création des produits ; ils se sont livrés à un examen approfondi de la législation française, comparée avec les législations étrangères. De cet examen sont sortis des propositions et des conseils que les gouvernemens feront sagement de méditer, et qui, dans tous les cas, méritent au plus haut degré l’attention publique. C’est principalement à ce titre que les rapports de la commission française, complétant l’enquête de 1860, doivent être lus et consultés ; mais ce ne sont point les seuls documens qu’ait produits l’exposition. Des délégations ouvrières ont été envoyées à Londres. On désirait que les ouvriers les plus intelligens de nos cités manufacturières eussent leur part de ce grand spectacle, et que les simples soldats de l’industrie fussent admis à cette revue pacifique dans laquelle se dépliaient leurs drapeaux. C’était une bonne pensée de les associer directement à l’œuvre de l’exposition ; c’était un acte de justice, car dans les travaux de l’industrie le succès appartient à la main qui exécute comme à la tête qui dirige et au génie qui crée, et il était juste d’appeler à l’honneur tous ceux qui avaient

  1. Voyez l’étude de M. Michel Chevalier sur l’industrie moderne à propos de l’exposition universelle de 1862, dans la Revue du 1er novembre de la même année.