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que la prudence commande ; lorsque l’ironie apparaît, elle s’adresse aux contradicteurs, jamais aux écrits sacrés, et l’on n’y trouve à aucun degré l’accent qu’en souvenir de Voltaire nous sommes involontairement tentés d’y mettre. Galilée, sa correspondance le fait assez paraître, tenait peu pour sa part à la lettre de l’Écriture ; mais, sans songer nullement à railler, il ne veut qu’acquérir le droit de propager librement sa doctrine.

Les théologiens cependant, loin de l’approuver, le poursuivaient du haut de leurs chaires d’une haine violente et aveugle. Un capucin, prêchant dans l’église de Sainte-Marie-Nouvelle à Florence, prit pour texte ces paroles de l’Évangile : Viri galilœi, quid statis adspicientes in cœlum ? Et, tonnant contre les curiosités vaines et superflues et les subtiles inventions des mathématiciens, il s’éleva avec raillerie contre l’orgueilleuse confiance qu’elles nourrissent. Quoique le chef de l’ordre lui fît des excuses pour cette insulte publique et se déclarât honteux d’avoir à répondre de toutes les sottises écloses dans le cerveau de trente ou quarante mille moines, Galilée n’était pas tranquille ; tout ce bruit présageait la tempête. Il croyait à une ligue organisée par des ennemis invisibles pour le décrier et lui nuire ; dans l’espoir de connaître leurs forces et de pénétrer leurs machinations, pour en déjouer les trames secrètes, il se rendit à Rome une seconde fois.

Les sentimens des princes de l’église étaient loin de lui être favorables. La doctrine du mouvement de la terre, agitée dans les sacrés conseils, fut réprouvée solennellement et condamnée sans appel. Après avoir affermi ses convictions par le consentement unanime des théologiens les plus célèbres, Paul V décida, avec son autorité souveraine et infaillible, que l’opinion qui place le soleil au centre du monde est une erreur et une impiété. Soutenir que la terre n’est pas placée au centre du monde et qu’elle n’est pas immobile est aussi, suivant lui, une opinion fausse en elle-même et au moins erronée dans la foi. Une décision aussi formelle imposait silence aux contradicteurs ; il n’était plus permis de douter, bien moins encore de discuter et d’examiner une erreur devenue sacrée et inviolable. Galilée cependant, considérant la vérité comme la cause commune de tous les honnêtes gens, essaya de faire rapporter une sentence aussi absurde que tranchante. L’ambassadeur de Toscane, Guicciardini, engageait prudemment le grand-duc à tempérer un zèle inutile et à hâter le départ de l’ardent astronome. « Le pape, disait-il, est notoirement ennemi de la pensée comme de la science, on lui fait sa cour en se montrant ignorant, et le moment est mal choisi pour proclamer une idée philosophique. » Mais Galilée ne voulait rien entendre. Sans choisir ses adversaires et