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sans les craindre, il faisait dans les conversations et dans les cercles nombreux une propagande incessante et parfois efficace. Tout en réfutant avec patience les objections les plus ridicules, il regrettait, pour l’honneur de l’esprit humain, d’avoir à répondre sérieusement à toutes les extravagances qui retentissaient à ses oreilles. « Les animaux, lui disait-on gravement, ont des membres et des articulations pour se mouvoir ; la terre, qui n’en a pas, ne peut se mouvoir comme eux. À chaque planète, on le sait, est attaché un ange spécialement chargé de la conduire ; mais pour la terre, où pourrait habiter son conducteur ? À la surface ? On le verrait bien. Au centre ? C’est la demeure des démons. La course fatigue les animaux ; si la terre se déplaçait du rapide mouvement que l’on suppose, elle serait depuis longtemps fatiguée d’un si grand effort, et se reposerait. »

En écoutant ces objections incroyables et insensées, Galilée ne se contraignait pas toujours de rire et de faire rire aux dépens de ceux qui osaient les produire. Sa manière de discuter était des plus brillantes. Abondant d’abord dans le sens de ses adversaires, il les laissait exposer et développer leurs idées avec pleine confiance, en attendant, pour donner cours à ses argumens et à ses railleries, qu’ils lui eussent fourni une proie abondante. Il se faisait ainsi de puissans ennemis ; le grand-duc, plein d’affection et de sollicitude pour lui, lui fit écrire par son secrétaire : « Son altesse pense qu’en restant plus longtemps à Rome vous pourriez y trouver de graves dégoûts ; puisque vous êtes sorti de votre affaire avec honneur, il vous conseille de revenir à Florence le plus tôt possible, sans réveiller le chat qui dort. » En suivant ce sage conseil, Galilée se fit donner par le célèbre Bellarmin une attestation qui le déchargeait de toute responsabilité dans les questions agitées et souverainement résolues.

C’est peu de temps après son retour à Florence qu’il envoya au prince Cesi un microscope. La lettre d’envoi et celle qu’il reçut en réponse sont les seules traces de cette invention que cependant on ne lui conteste pas. Toujours attentif aux événemens du ciel, l’apparition simultanée de trois comètes ne pouvait manquer de le préoccuper. Très souffrant à cette époque et obligé de ménager ses forces, il ne put les observer régulièrement ; mais ses amis, qui le tinrent minutieusement au courant de leurs apparences, recueillirent avec soin ses idées sur la nature du mystérieux phénomène. Le résumé de ces conversations, publié par Mario Guiducci, donna lieu à une polémique devenue célèbre. Des jésuites du collège romain, se trouvant implicitement attaqués par Guiducci, répondirent dans un long pamphlet, intitulé la Bilancetta, publié sous le pseudonyme